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plaisir que nous font éprouver tes lettres. Je te remercie, pour ma part, des détails pleins d’intérêt que tu as bien voulu me donner sur ces nobles paysans vendéens, et de ceux que nous a apportés ta lettre du 3 juillet sur les trappistes de Meilleraye. La description de cette abbaye honore ton cœur et ton esprit. Continue, mon cher Adolphe, à nous mettre de moitié dans tes courses en attendant que nous puissions y prendre part en réalité.

C’est une attention dont nous ne saurions trop te savoir gré.

La lettre que notre oncle nous a adressée nous a tous bien profondément touchés, nous comptons répondre avant peu à ce témoignage d’affection. Nous sommes loin de mériter les éloges dont notre excellent oncle veut bien nous honorer. Parle-lui, mon cher ami, de notre respectueux attachement ; nous serions heureux qu’il pût apporter quelque adoucissement à sa douleur.

Nous avons ici notre cousin Daniel (tu vois que j’emprunte tes expressions). C’est, comme tu l’as dit, un homme fort aimable et fort gai. Il nous fait le plaisir de venir nous voir de temps en temps et nous causons de nos trois parents de Nantes ; ce sont là nos sujets de conversation les plus agréables. Nous désirons bien vivement que les affaires qui l’amènent à Paris se terminent à sa satisfaction. Cependant, nous ne pouvons souhaiter qu’elles se terminent bientôt ; il nous semble, tant qu’il reste à Paris, que nous sommes plus près de notre famille.

Hier (nouveau sujet de remerciements) on est venu nous apporter un panier de sardines ; nous avons, sur-le-champ, fait honneur à votre aimable envoi ; elles étaient excellentes et parfaitement fraîches. Nous les aimons tous en bretons : notre seul regret était de ne pouvoir les partager avec vous. Le panier renfermait, en outre, deux numéros de la feuille de Nantes où nous avons encore trouvé de nouvelles preuves d’affection, toujours bien douces de votre part. Je ne saurais te dire, mon cher Adolphe, combien je suis sensible à ces attentions délicates auxquelles notre oncle paraît vouloir nous accoutumer. Exprime-lui bien, je te prie, toute ma reconnaissance ; j’espère, ou du moins je souhaite ardemment pouvoir la lui témoigner dans peu, de vive voix.

On parle beaucoup de la dissolution de la Chambre. Le ministre Siméon[1], qui désire encore tripoter avec ses ventrus, s’oppose fortement à une mesure qui amènerait une majorité royaliste. On assure que Decazes a reçu le cordon bleu et qu’il ne le déploiera qu’à l’époque du couronnement de George IV[2]. On a offert, il y a trois semaines, le ministère à M. de Villèle[3],

  1. Ministre de l’Intérieur.
  2. Le duc Decazes, après avoir servi l’empereur, s’était rallié aux Bourbons. En 1820, il quitta la présidence du Conseil et fut nommé, en compensation, ambassadeur à Londres.
  3. Homme politique. Président du Conseil de 1821 à 1828, il réprima durement les conspirations de Saumur et de La Rochelle. Il laissa cinq volumes de Mémoires et Correspondance.