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qu’une existence littéraire et appartiennent à la jeunesse tout imaginaire que Victor Hugo, touchant à la soixantaine, était disposé s’attribuer rétrospectivement… Le Victor Hugo de 1820 avait, dans l’aspect, quelque chose du Didier de Marion de Lorme. C’est ainsi du moins qu’il apparaît dans le recueil que Paul Meurice vient de nous donner.

Victor Hugo et Adèle Foucher étaient encore tout enfants quand ils se sont connus… Ce qu’il y a de curieux, c’est que toutes les péripéties de cet amour dévorant sont traduites par Victor Hugo dans une langue absolument classique, sans une incorrection, sans un mot familier. Il n’est pas une lettre qui ne soit un morceau achevé de la littérature d’avant le romantisme, telle qu’aurait pu la composer l’écrivain le plus expérimenté. Le sentiment qui enveloppe cette forme si achevée n’en est ni moins sincère, ni moins brûlant.

... Il est très curieux de rapprocher cette correspondance des pages incomparables des Misérables où sont racontées les amours de Marins et de Cosette… Pour ces amours des deux fiancés, le roman épique écrit par Victor Hugo après la cinquantaine a un accent beaucoup plus intime et paraît beaucoup plus ému que la correspondance de l’amoureux de vingt ans. Quoi qu’il en soit, si l’on combine les deux, l’esprit reconstitue aisément tout le roman de la première passion du plus grand poète français. De là l’intérêt exceptionnel qui s’attache à ce volume que tous les admirateurs de Victor Hugo voudront connaître.


L’Écho de Paris.

11 mars 1901.

Charles Foley.

Le tort de beaucoup de nous, mon tort en tous cas, est d’imaginer que les grands hommes, même à vingt ans, même dans les circonstances de leur vie intime, sont plus grands que les hommes. Il me semblait que, d’un tel poète, les premières impressions d’amour devaient être singulièrement originales et fortes, qu’il saurait les exprimer tout au moins dans le langage le plus coloré, y évoquer incidemment les silhouettes d’illustres contemporains, y mêler des observations pittoresques et des détails curieux sur les mœurs de son temps. Or tout cela ou peu près, tout cela manque dans les Lettres à la Fiancée. L’amoureux s’y montre fidèle, passionné, exclusif et jaloux, mais le plus souvent à la façon de n’importe quel jeune fiancé intelligent et tout frais émoulu de ses humanités. Rien sur l’existence qu’il mène et les milieux qu’il fréquente, rien sur ses amis, rien sur un conseiller tel que Lamennais, une seule phrase sur un protecteur tel que Chateaubriand. … Ces lettres ne sont qu’à l’amour et ne parlent que d’amour, objectera-t-on. Encore en parlent-elles en termes d’un lyrisme presque uniforme… J’ai été, je le répète, bien déçu de ne trouver là, sous une rhétorique encore en fleur, que des sentiments ordinairement mis en jeu par un mariage bourgeois.


Le Charivari.

14 mars 1901.

[Le Bibliophile.]
Non signé.

Un magnifique volume d’Hugo : Lettres à la Fiancée : lettres d’amour, tendres et charmantes, que « l’enfant sublime », ainsi que disait Chateaubriand, écrivait de dix-sept à vingt ans à celle qui devait être sa femme.

Ce volume montre un Victor Hugo écrivant sans prétention littéraire et sous l’unique impulsion de l’amour ingénu de son jeune cœur, déjà si ardemment passionné. Là est la grâce particulière et le « frisson nouveau » de ce petit roman vécu.


L’Illustration.

16 mars 1901.

Non signé.

Ces lettres n’auraient pas dû être publiées. Elles ne l’auraient pas dû, d’abord, parce que ce sont des lettres d’amour, les lettres d’un fiancé de dix-huit ans à la jeune fille qu’il aime, c’est-à-dire les choses les plus intimes qui soient au monde, les moins faites pour être livrées en pâture à notre curiosité. Mais si même ce sont là des considérations surannées, au temps affranchi de scrupules où nous avons le bonheur de vivre, les possesseurs de ces lettres auraient mieux fait pourtant de ne les point publier parce que, en vérité, ces lettres n’ont absolument aucun intérêt. Et leur manque d’intérêt leur vient,