Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Mercredi, 10 heures du soir[1].

Il faut que je t’écrive quelques mots avant de me coucher. Il est bien tard, je te conterai demain comment il se fait que toute ma soirée se soit passée jusqu’ici sans que je t’aie écrit. J’espère, mon Adèle bien-aimée, qu’en ce moment tu dors bien doucement ; tu ne saurais croire avec quelle peine j’ai appris que ton sommeil avait été troublé une fois cette nuit. Chère ange, pourquoi faut-il que le droit de prendre tes fatigues pour moi me soit encore refusé ? Il me semble, mon Adèle adorée, que je désire en ce moment plus que jamais, s’il est possible, de me voir ton mari. Combien de tourments et d’ennuis je t’épargnerais ! Toutes tes nuits se passeraient près de moi, et ton précieux sommeil ne serait troublé que par mes caresses et mes baisers. Oh ! répète-moi sans cesse que tu m’aimes comme dans ta charmante mais bien courte lettre de ce soir. Prouve-le-moi, ange, en plaçant toujours au bas de tes lettres ce mot si doux : je t’embrasse.

Adieu pour ce soir, à demain, adieu, adieu.


Jeudi, 5 septembre, neuf heures un quart du soir.

Mon Adèle chérie, je suis rentré ce soir avec un mal de tête. Il a suffi de bien peu de chose pour le causer, mais bien peu de chose de toi, Adèle, c’est beaucoup. Oui, je suis triste, et tout ce que tu m’as dit de tendre ne peut dissiper cette tristesse, tes douces caresses de ce soir ne peuvent effacer l’impression que ton adieu m’a laissée. Quand je me suis approché de toi et que je t’ai dit en te quittant : À demain à six heures ! rien ne m’a témoigné que cet intervalle d’absence te parût comme à moi bien long. Je n’ignore pas, Adèle, qu’il ne dépend point de toi de l’abréger, mais il dépend de toi de me le rendre moins insupportable en n’y paraissant pas entièrement indifférente. Un mot, un geste, un signe de regret m’auraient presque consolé, tandis qu’en ce moment à la peine d’être si longtemps séparé de toi, se joint celle de penser que tu ne t’aperçois point de cette séparation.

Et ne me rappelle pas ici, Adèle, tout ce que tu as daigné et daignerais

  1. Inédite.