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Lundi, 10 heures du soir. [Juillet[1].]

Tu n’es donc plus là, auprès de moi, mon Adèle ! Me voici seul, seul et bien loin de toi, et bien loin encore du temps où je serai sans cesse près de toi ; car deux mois sont deux éternités. Depuis hier cependant je sens quelque chose de plus complet dans ma vie et dans mon bonheur ; je vois que je possède toute ta confiance, ma femme n’a plus rien de caché pour moi. Tous tes petits secrets, ange, me sont connus, n’est-ce pas ? comme à toi-même. Hélas ! cette indisposition m’inquiétera bien à l’avenir, mais je te soignerai, je te réchaufferai dans mes bras, de mes baisers, de mes caresses, je t’entourerai de tout mon amour contre tes souffrances. Combien tu m’as rendu heureux, mon Adèle adorée, par ce doux et tendre épanchement ! Oh ! je veux t’en remercier à deux genoux, je veux que tu saches de quelle inexprimable félicité un mot de toi peut inonder le cœur de ton Victor. Pourquoi n’es-tu pas là ? Où es-tu ? Que fais-tu ? Tu t’endors maintenant, et ma pensée peut-être est bien loin de ton âme. Oh non ! dis-moi, fais-moi croire, ange bien-aimé, que je suis pour toi tout ce que tu es pour moi, je ne pourrai le croire, mais je serai heureux de l’entendre de ta bouche.

Adieu, toi qui fais le bonheur de ma pensée et l’enchantement de mes rêves. Adieu, je vais essayer de dormir, mais je brûle d’amour. Si cela dure longtemps, je mourrai quand il faudra te quitter. Je t’embrasse.

Ton fidèle mari,
V.-M. H.
  1. Inédite