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flatteries, Adèle, je ne t’en veux pas, mais cela m’a affligé, tu as peut-être dit ce mot légèrement, comme lorsque tu as flétri de ce mot les expressions de l’enthousiasme que tu m’inspires. Quelquefois tu emploies des paroles auxquelles tu n’attaches sans doute aucune signification fâcheuse et qui pourtant m’entrent bien avant dans le cœur. Tu m’avais dit dans ta précédente lettre, avec un père rien n’humilie, je ne pense pourtant pas entièrement cela. Adieu. À demain. Je t’écrirai encore. Je t’aime au delà de ce que tu peux supposer.


Samedi, 4 h. 1/2 du soir.

Imagine-toi, chère amie, que depuis ce matin, je n’ai pas un moment de liberté ! Je voulais passer toute cette journée à travailler et à t’écrire et j’ai été contraint de subir des visites. Plains-moi et ne m’accuse pas. J’avais tant de choses à te dire, je voulais te rendre compte de ma semaine dont tout le commencement a été pris par cette lettre et les tracasseries du bal de poëte. Comment as-tu pu, soit dit en passant, douter un seul instant que je m’abstienne d’y aller, quand cela te déplaisait. Que m’importe d’être bien ou mal avec tous ces gens-là ? Seulement tu me disais que je ne sentais pas comme toi, et ces paroles m’affligeaient d’autant plus, que tu es allée, toi, bien souvent (et cela tout récemment encore à cette soirée sur laquelle tu as voulu me donner des explications) à des bals où je n’étais pas. Enfin, tu sens maintenant comme j’ai toujours senti et je t’en remercie, car j’en suis bien heureux. Adieu, mon Adèle, s’il y a quelque chose de triste dans ma lettre d’hier, songe qu’il n’y a rien de froid. Bien loin de là, jamais je ne t’ai plus aimée ou je n’ai plus senti combien je t’aime qu’à présent, quand le sacrifice s’approche peut-être inévitablement.

Adieu, adieu, mon adorée Adèle, je t’idolâtre, je t’embrasse et suis jusqu’au dernier instant ton fidèle mari.

Victor.


Ne t’alarme pas pourtant. Tout se dénouera peut-être heureusement.