Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne pense pas que je cherche en rien à me justifier. Toute justification est insuffisante puisque je t’ai fait pleurer. Peut-être as-tu eu la première un léger tort. Dis-moi, mon Adèle, veux-tu avoir eu un léger tort ? Si tu penses que non, toi qui ne peux te tromper, je prendrai toute la faute sur moi et je te demanderai encore pardon d’avoir osé t’y donner quelque part.

Va, tes larmes m’ont bien profondément ému, la douceur angélique avec laquelle tu m’as pardonné ne sortira jamais de mon cœur. Adèle, tu n’aimes pas un ingrat. Plus je te vois, plus je t’approche, et plus je t’admire. Tu me fais chaque jour sentir intérieurement combien je suis peu de chose, et cette comparaison où je perds sans cesse, a des charmes pour moi, parce qu’elle me démontre ta perfection et ta supériorité, et que je ne suis fier au monde que de mon Adèle.

Quand seras-tu à moi ? Quand pourrai-je te presser à chaque instant du jour sur ma poitrine en bénissant le ciel de m’avoir donné pour compagne cet être d’innocence, de générosité et de vertu ? Ce sera bientôt. Oui, Adèle, tous les moyens pour arriver à ce but, je les saisirai avec joie. À quelque dures conditions qu’il faille t’obtenir, pourvu qu’elles soient convenables, elles me paraîtront douces. Je ne vais rien négliger pour assurer au plus vite mon indépendance et la tienne, puis j’aurai le consentement de mon père, ou je lui rendrai la vie qu’il m’a donnée. Mais j’aurai son consentement, et tu seras à moi !

Adieu, mon Adèle angélique, compte sur mon zèle comme sur mon amour. Puisque tu m’as pardonné, permets-moi de t’embrasser avec le respect d’un esclave et la tendresse d’un mari.

Victor.

J’espère que je vais avoir une longue lettre demain et qu’elle ne sera pas de nature à m’affliger. Tu m’as pardonné ! Adieu, soigne ta santé, cette santé qui m’est plus chère que la vie et que... Mais, c’est oublié, n’est-ce pas ?