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par l’ironie pénétrante et profonde de Henri Rochefort, par Michelet, par Auguste Villemot, par Louis Ulbach, et par la généreuse indignation de presque tous les écrivains démocratiques, essaie de remonter tous les courants de la révolution, le courant littéraire comme le courant politique, le courant philosophique comme le courant social, le courant des idées comme le courant des faits, et prend le progrès à rebours et le siècle à contre-sens. Nous en sommes peu inquiet. Cet oïdium des intelligences est superficiel ; le fond de la pensée publique n’est point touché ; quel que soit l’effort rétrograde, la tendance de l’époque n’en sera en rien altérée. C’est la minute qui est malade, non le siècle.

Cela voudrait être un retour au passé, passé politique absolutiste, passé littéraire monarchique, restauration du droit divin comme principe et du goût classique comme dogme. Peine perdue. Ce contre-courant produit par un barrage disparaîtra avec le barrage. Il ne peut naître d’un incident qu’un incident, cette réaction, dont sourient les penseurs, durera ce que durent les réactions, le temps que le reflux arrive. Or le reflux des principes est aussi éternel, aussi absolu et aussi certain que le reflux des océans. Donc passons. De bas empire point.

Le fond du siècle est grand et honnête. Disons-le, après la révolution française, aucune gangrène de peuple n’est possible. Grâce à la France pénétrante, grâce à notre idéal social infiltré à cette heure dans toutes les intelligences humaines, d’un pôle à l’autre, grâce à ce vaccin sublime, l’Amérique se guérit de l’esclavage, la Russie du servage, Rome du fanatisme, les croyances de l’absurdité, les codes de la barbarie. De chaque chose le virus ôté, voilà la révolution vue par un de ses plus grands côtés. Regardez. Constatez, sinon le fait régnant, du moins la tendance souveraine. C’est l’éducation sans la compression, l’enseignement sans le pédantisme, l’ordre sans le despotisme, la correction sans la vindicte, le moi sans l’égoïsme, la concurrence sans le combat, la liberté sans l’isolement, l’homme sans la bête, la vérité sans la glose. Dieu sans Bible. Qu’est-ce que la révolution française ? un vaste assainissement. Il y avait une peste, le passé. Cette fournaise a brûlé ce miasme.


VI


Mais parler de Paris, l’injurier, le railler, le dédaigner, cela est sans inconvénient. Prendre avec les colosses un air de mépris, rien n’est plus facile. C’est presque enfantin. Il y a là-dessus des rédactions toutes faites. Défiez-vous des ritournelles, c’est comme en pédagogie la comparaison des poëtes vi-