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au-dessus de la Légende des Siècles, Choses vues nous charme et nous réjouit par son gracieux abandon, par sa note intime et toute la finesse d’esprit du Maître universel.

Longtemps encore Hugo nous apparaîtra toujours jeune et nouveau, comme me le disait son ami Banville, d’un génie universel résumant toute la littérature passée, galvanisant les lettres françaises pendant cinquante années et montrant le chemin à plusieurs générations d’écrivains auxquels il apprit à écrire.


Tous les fragments d’articles qui suivent concernent le volume de Choses vues (nouvelle série) qui parut en 1899.


Le Rappel.
Lucien Victor-Meunier.

Dans cette nouvelle série des Choses vues — le onzième volume des œuvres posthumes de Victor Hugo — fourmillent les appréciations originales, les observations curieuses, les saillies spirituelles, et ces pages, d’une puissance aisée et familière, constituent, pour ceux qui entreprendront d’écrire l’histoire de la France contemporaine, les plus précieux, les plus indispensables des documents.

Je vois surtout, moi, l’ardent, l’immense amour des faibles, des pauvres, du peuple, des autres, dont déborde ce livre tout frémissant de pitié.

Impressions, sensations écrites au jour le jour, jetées à main rapide sur un carré de papier, crayonnées, en marche, sur un feuillet de calepin ; c’est peut-être dans ces notes hâtives, plus que dans les ouvrages longuement réfléchis, que se manifeste l’âme de l’écrivain.

Ici, le poète a suivi son inspiration naturelle ; ici, c’était bien son cœur qui écrivait, plus que sa pensée même, si je puis ainsi dire, car les menus faits de chaque jour ne pouvaient détourner cette pensée souveraine des grands labeurs qu’elle poursuivait.

Ici se montre, nue, la bonté de celui que l’on avait presque cessé d’appeler le Maître, pour lui donner le nom de Père que, certes, il préférait.

À chaque instant, à chaque pas, dans ce nouveau volume ajouté à la constellation qui brillera éternellement dans le ciel de l’humanité, cette bonté sublime apparaît.

… Ce que je disais, l’autre jour, à propos de Fécondité, je le répète à propos de Choses vues ; gloire et reconnaissance à ceux qui se penchent vers les souffrants et serrent dans leurs bras l’opprimé, la victime, le malheureux, en lui disant : « Mon frère ! »

Quand on est Victor Hugo, on souffre non seulement de ce qui vous touche personnellement, mais de toute iniquité, de tout crime commis, de toute misère étalée, saignante sous le soleil.

… Dans Choses vues, nous le retrouvons tout entier ; athlète combattant pour toutes les grandes idées, pour toutes les nobles causes, et tendre ami de tous les petits.

Il est là tout entier, le poète des Châtiments et de la Légende des Siècles, le romancier des Misérables et des Travailleurs de la mer, l’orateur qui, le premier, prononça le nom des États-Unis d’Europe, et, le premier aussi, attesta cette vérité : « On peut abolir la misère. »

Et, le livre fermé, on songe avec une admiration faite de reconnaissance pieuse à tout ce qui est sorti de grand et de bon, d’éternel, de ce cerveau, de ce cœur, de cette âme : Victor Hugo.


Le Figaro.
Philippe Gille.

On se rappelle le succès qu’obtint, lorsqu’il parut, le premier volume de Choses vues ; ce succès fut aussi grand, sinon plus, que celui qui accueillit les autres œuvres posthumes du grand poète ; on n’avait plus rien à apprendre de son génie, on l’admirait depuis longtemps, mais on était curieux de connaître la pensée intime de l’écrivain avant que son talent lui eût donné la forme définitive qu’elle devait revêtir devant le lecteur ; on voulait la surprendre sans parure, telle qu’elle venait d’éclore, incorrecte même, n’importe comment, mais inédite et vivante, chaude encore de la chaleur du cerveau qui l’enfantait. Rien de plus intéressant d’ailleurs, de plus curieux à parcourir que ces carnets-albums que son ami M. Paul Meurice a bien voulu nous laisser voir