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II

REVUE DE LA CRITIQUE.


Ayant été amené à refondre les deux volumes primitifs de Choses vues afin de respecter l’ordre chronologique, nous avons dû grouper dans cette revue les articles publiés sur la première et sur la seconde série ; la lecture en sera plus saisissante et plus claire, les deux critiques se complétant l’une par l’autre et donnant ainsi une impression sur l’œuvre tout entière.

Victor Hugo a eu la bonne fortune de recueillir des louanges unanimes ; ce n’est pas un mince honneur, car il se présentait sous un aspect inconnu, il devenait journaliste et devait être jugé par des journalistes qui jouissaient de l’autorité nécessaire pour se prononcer sur la valeur et les mérites de leur nouveau confrère. On dit volontiers que les journalistes ne sont pas toujours équitables envers ceux qui n’appartiennent pas à la profession. Ils se sont bien vengés de cette petite calomnie, non seulement en prodiguant leurs éloges à Choses vues ; mais en regrettant que Victor Hugo n’ait pas donné au journalisme une part plus grande dans son œuvre et dans sa vie. C’est qu’en effet il a — et nous parlons ici du journaliste qui voit et qui raconte les événements — des dons précieux. Il prête aux hommes et aux choses un singulier relief et une vive intensité ; ce n’est pas une simple photographie par l’exactitude et la minutie des détails, c’est une photographie vivante, car il donne à tous les personnages qu’il met en scène, non seulement la vie physique, mais il découvre leur âme et leurs pensées. Il les prend sur le vif, dans un style sobre, net, concis. Ce n’est pas notre appréciation personnelle que nous apportons ici, c’est le résumé des articles qu’on va lire. Tous les écrivains sont d’accord pour admirer ce peintre prodigieux qui sut non seulement donner des couleurs exactes à ses tableaux, mais encore les animer et qui, selon la juste remarque de Gaston Deschamps, emmagasina « une incroyable quantité de couleurs et de formes, de spectacles charmants ou de visions terribles, les saynètes de la vie quotidienne ou les tragi-comédies de l’histoire ».


Le Figaro.
Philippe Gille

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Les exécuteurs du testament littéraire de Victor Hugo feront paraître demain, à la librairie Hetzel-Quantin, un livre intitulé Choses vues, et qui révélera un Victor Hugo inattendu et nouveau. L’auteur de la Légende des Siècles et des Châtiments n’a plus d’étonnements à nous donner, et Toute la lyre, son chef-d’œuvre posthume, dit-on, ne fera que consacrer une fois de plus la gloire du plus grand des poètes.

Mais je le répète, ce n’est pas de ce Victor Hugo là qu’il s’agit aujourd’hui ; ce n’est pas l’homme statue, c’est l’homme vivant, intime, sans auréole, avec un crayon et un calepin. C’est un bon bourgeois qui, dépouillant le poète, court la ville le nez au vent, prenant indistinctement une note sur des faits insignifiants, mondains de son époque, consignant aussi sur ces feuilles volantes les grandes aventures de son temps. Son langage a toujours les proportions des faits qu’il enregistre, et s’il s’élève d’un ton en nous parlant des funérailles de Napoléon, des procès Teste et Cubières, Choiseul-Praslin, du cachot de Marie-Antoinette à la Conciergerie, il redevient pittoresque, léger, spirituel devant tel ou tel épisode de la vie parisienne.

Victor Hugo, homme de génie, est connu, admiré du monde entier ; presque personne