Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


NOTES DE L’ÉDITEUR.


I

HISTORIQUE DE CHOSES VUES.


Le premier volume de Choses vues abonde en détails sur tout le règne de Louis-Philippe ; le second volume ne nous donne qu’un Louis Bonaparte incomplet, un Louis Bonaparte à son aurore, le Louis Bonaparte qui, en dépit de ses équipées passées, obscurcissant, par son effacement volontaire et le prestige de son nom, le Jugement d’hommes qu’on aurait crus plus perspicaces, avait réussi à conquérir la présidence de la République, à préparer victorieusement son coup d’État et à réaliser les folles et coupables espérances amorcées par les aventures de Strasbourg et de Boulogne.

Les débuts du président Louis Bonaparte, ses tentatives pour grouper autour de lui les hommes des divers partis, pour dissiper toutes les défiances en protestant de son attachement aux institutions républicaines sont retracés par Victor Hugo avec une rigoureuse précision. Les faits les plus menus sont fidèlement recueillis, et ils ne sont pas indifférents, car, en les lisant attentivement, ils nous éclairent, en partie, sur les illusions singulières auxquelles s’abandonnaient tant d’hommes politiques sur le compte du chef de l’État. Victor Hugo note très scrupuleusement ce qu’il a vu et ce qu’il a entendu ; sa mémoire ne saurait le trahir puisqu’il écrit aussitôt toutes les conversations qu’il a eues soit avec le président, soit avec des membres de la famille impériale, soit avec des ministres. Il veut être un simple témoin, mais il est déjà un témoin un peu soupçonneux par le soin même avec lequel il relate des confidences parfois troublantes sur les tendances du nouveau régime ; ce n’est pas de l’histoire arrangée, maquillée, c’est de l’histoire vue dans les coulisses et racontée par des hommes qui approchent le président et viennent confier à Victor Hugo soit les faits dont ils ont été les témoins, soit les impressions que ces faits leur inspirent. En réalité, c’est un véritable journal tenu avec soin.

Lorsque le coup d’État éclate, ce journal n’est pas interrompu, Victor Hugo persiste à consigner, au jour le jour, toutes les phases de la résistance, soit dans les réunions des représentants restés libres dont il est un des orateurs les plus ardents et les plus écoutés, soit sur les barricades. Ce sont bien toujours des choses vues et vécues ; elles ne seront utilisées que dans son Histoire d’un crime, mais cette fois rédigées, coordonnées, développées, commentées.

Puis vient l’exil. Tous les liens sont forcément brisés. Que pourrait conter Victor Hugo puisqu’il sait seulement par les journaux ce qui se passe dans son pays ? Il ne sort plus, il ne voit personne, il se consacre tout entier à son travail ; et même les rares Choses vues écrites pendant l’exil ont une affinité avec son œuvre, comme l’affaire Hubert, sorte de morceau détaché de l’Histoire d’un crime, ou Tapner, sorte d’épilogue du Dernier jour d’un condamné. Nous ne trou-