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10 juin. — M. Alfred Feydeau, architecte de la ville, inspecteur des cimetières, est venu ce soir et m’a laissé sa carte avec un mot m’annonçant que le préfet de la Seine n’insiste pas et que l’épitaphe de mon père sera respectée. À la bonne heure[1] !


12 juin. — Après le déjeuner, nous sommes allés au Jardin des Plantes où Petite Jeanne a vu les bêtes. Elle m’a dit : Si l’éléphant crache sur moi ou me tape avec son nez, tu le gronderas.

Pendant ce temps-là, le gouvernement suspendait pour quinze jours le Rappel et deux autres journaux.


15 juin. — Je reçois ce matin sous enveloppe (lettre chargée) le premier article de Rochefort depuis son évasion, publié à New-York et reproduite Bruxelles sur la couverture rouge de la Lanterne. (Envoi de Berru.)


29 juin. — Le soir est venu Naquet[2] ; nous avons causé de la proclamation de Mac-Mahon à l’armée à propos de la parade d’hier. Cette proclamation contient une vague menace de coup d’état militaire.


30 juillet. — Après le dîner, beaucoup de monde. Beaucoup de représentants, fort émus de ce qui se passe, entre autres M. Bardoux que je n’avais pas vu depuis Bordeaux. C’est un homme d’esprit et de cœur, qui fait des vers. Il est du centre gauche. Il est de la commission du budget, et il m’a raconté « en confidence » les « confidences » faites ce matin à la commission du budget, par Cissey, ministre de la guerre. Il paraîtrait que la Prusse prépare la guerre. De notre côté, nous avons 3 500 000 fusils Chassepot et 300 batteries attelées. J’ai dit à M. Bardoux : — Cela ne suffit pas. Il faut le double de cela. Il faut pouvoir mettre sur pied deux millions d’hommes. Pour chaque homme, il faut trois fusils. Donc il faut six millions de fusils.

Réfléchir aussi au fusil Chassepot. Il y a un fusil meilleur que le fusil Chassepot, c’est le fusil Gras.


20 août. — Reçu la Lanterne de Rochefort. C’est toujours le grand pamphlétaire.

  1. Carte jointe au carnet :
    {{c|alfred feydeau
    Architecte
    Inspecteur général à la Préfecture de la Seine
    a l’honneur de faire savoir à Monsieur Victor Hugo que M. le Préfet a décidé le maintien de l’épitaphe dont il l’a entretenu il y a quelques jours. — L’entrepreneur pourra donc la faire graver sur le monument. (Note de l’éditeur.)
  2. Alfred Naquet, promoteur de la loi sur le divorce. (Note de l’éditeur.)