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24 juin. — Lettre de Busnach. Henri Rochefort désire que j’écrive pour à Thiers.

Georges et Jeanne ont vu aujourd’hui pour la première fois un colimaçon, les cornes sortant et rentrant. Grande stupeur. Jeanne a d’abord ri, puis a fini par pleurer.


26 juin. — En 1849, j’ai présidé le Congrès de la Paix à Paris ; j’avais trois vice-présidents : Cobden, Coquerel, Deguerry. Le 24 août, anniversaire de la Saint-Barthélemy, au moment de clore le Congrès j’ai fait s’embrasser Deguerry et Coquerel[1]. Cobden est mort, Coquerel est mort, Deguerry vient d’être fusillé.


28 juin. — Georges vient de me dire : — Il y a ici une petite fille qui me donne des bêtes. — Il avait un colimaçon dans une main et un hanneton dans l’autre.

Les journaux annoncent qu’un M. de Montépin demande aux auteurs dramatiques que je sois exclu de la société comme ayant fait partie (occulte évidemment) de la Commune[2].


30 juin. — Victor est revenu ce soir. Il m’a apporté une nouvelle affiche d’un meeting à Liège contre mon expulsion.

Je reçois une adresse du Comité des instituteurs belges contre l’acte du gouvernement belge envers moi.

  1. Deguerry était curé de la Madeleine ; Coquerel, pasteur protestant. (Note de l’éditeur.)
  2. On lit dans le Figaro :
    La lettre suivante vient d’être adressée à M. Auguste Maquet, président de la Société des Auteurs dramatiques :
    Paris, 22 juin 1871.
    Monsieur le Président,

    J’ai l’honneur de soumettre à votre haute approbation, et à celle de vos collègues, une proposition qui me semble toucher aux intérêts les plus chers de notre dignité.

    Je demande que MM. Félix Pyat, Victor Hugo, Henri Rochefort, Vacquerie, Paul Meurice, ceux enfin d’entre nous qui, soit par leurs actes, soit par leurs écrits, ont pactisé avec les doctrines de la Commune de Paris soient déchus de l’honneur d’appartenir à la fraternelle société des auteurs dramatiques. En effaçant leurs noms de nos listes, nous affirmerons notre indignation légitime contre les chefs et les souteneurs de la secte qui procédait par l’assassinat des otages, l’empoisonnement des soldats de notre armée, le pillage des caisses publiques, l’incendie des palais, des maisons, des théâtres.
    Entre de tels hommes et nous, nous creuserons un abîme. — C’est assurément notre droit, et c’est, je crois, notre devoir.
    Forcé de quitter Paris, et ne pouvant, à mon grand regret, assister à l’assemblée générale du 1er juillet pour y soutenir ma proposition, j’ose vous demander. Monsieur le Président, de vouloir bien donner connaissance de cette lettre à nos collègues réunis.
    Ils comprendront le sentiment qui m’anime et j’espère qu’ils ne refuseront pas de s’y associer.
    Agréez, etc.
    Xavier de Montépin.
    Quelques pages plus loin, un extrait de journal daté du 1er juillet et collé sur un feuillet blanc du carnet annonce que « l’assemblée a écarté la proposition en passant à l’ordre du jour sans discussion, par 55 voix contre 37 ». (Note de l’éditeur.)