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27 mai. — Ma protestation en faveur du droit d’asile a paru. Polémique.

L’incendie de Paris diminue. Force lettres et visites me remerciant et me félicitant de ma protestation pour le droit d’asile.


1er juin. — Nous sommes partis de Bruxelles à midi trente-cinq[1].


Luxembourg. 3 juin. — Cournet fusillé, Razoua fusillé, Delescluze tué, Millière fusillé, Ranc prisonnier, Malon prisonnier, Édouard Lockroy prisonnier, faisaient partie de la réunion de la gauche que je présidais, maison Sieuzac, à Bordeaux. Il y a trois mois de cela.

Mourot, prisonnier avec Rochefort, était un des deux seuls amis qui m’accompagnaient au transfert du cercueil de Charles au dépositoire des morts de Bordeaux. L’autre était M. Alexis Bouvier. Dans la longue allée de peupliers du cimetière, sous la pluie à verse, nous étions tête nue tous les trois, derrière le corbillard. Bouvier était à ma droite, Mourot à ma gauche.


5 juin. — Miot et Gambon que j’avais invités à dîner chez moi tous les jours en octobre 1869 sont fusillés.

Au congrès de Lausanne que je présidais en septembre 1869, Chaudey parla, puis Longuet[2]. Chaudey a été fusillé par la Commune, Longuet a été fusillé par l’Assemblée.

Cluseret vint me voir le 7 septembre (j’écris la date de souvenir). Je venais d’arriver à Paris. Il m’avait souvent écrit. Je ne l’avais jamais vu. Je le reçus dans le cabinet de Paul Meurice. C’était un homme d’assez haute taille, à la figure ronde et pleine, aux yeux hardis et indécis, la moustache, l’allure militaires, l’air respectueux. Il me dit : — Ce gouvernement (Trochu, Jules Favre, etc.) trahit. Il livrera Paris. Vous, Victor Hugo, nommez-moi général. Votre signature me suffit. Je lèverai un corps franc de cinquante mille hommes et je chasserai les prussiens. — Paul Meurice lui répondit pour

  1. Victor Hugo ayant déclaré qu’il donnerait aux vaincus de la Commune l’asile que le Gouvernement belge leur refusait, sa maison fut attaquée la nuit à coups de pierres par une bande de manifestants qui proféra contre lui des menaces de mort. À la suite de cette agression, le ministre de la Justice prit un arrêté enjoignant « au sieur Hugo » de quitter immédiatement la Belgique. Voir Actes et Paroles, Depuis l’exil. Toute la lyre, La Corde d’airain. (Note de l’éditeur.)
  2. Journaliste. Ses violentes attaques contre l’empire au congrès de Liège le firent, à son retour en France, condamner à la prison. Rédacteur en chef du Journal officiel sous la Commune ; membre de la Commune lors des élections du 16 avril ; à l’entrée des troupes de Versailles, il parvint à se réfugier en Angleterre. Les journaux avaient annoncé sa mort. (Note de l’éditeur.)