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Petite Jeanne dit maintenant très bien papa et maman.

Aujourd’hui, revue de la garde nationale.


11 novembre. — Sont venues me voir Mme Jules Simon, Mlle Sarah Bernhardt.

Il y a eu foule chez moi après le dîner. Il paraît que Veuillot m’a insulté.

Petite Jeanne commence à se très bien traîner à quatre pattes.


23 novembre. — Jules Simon m’écrit que l’Opéra me sera donné pour le peuple (lecture gratis des Châtiments) le jour que je fixerai. Je désirais dimanche, mais par égard pour le concert que les acteurs et employés de l’Opéra donnent dimanche soir à leur bénéfice, je désigne lundi.

Est venu Frédérick Lemaître qui m’a baisé les mains en pleurant.

Il a plu ces jours-ci. La pluie effondre les plaines, embourberait les canons, et retarde la sortie. Depuis deux jours, Paris est à la viande salée. Un rat coûte huit sous.


24 novembre. — Je donne l’autorisation au Théâtre-Français de jouer demain vendredi 25, au bénéfice des victimes de la guerre, le cinquième acte d’Hernani par les acteurs du Théâtre-Français et le dernier acte de Lucrèce Borgia par les acteurs de la Porte-Saint-Martin, plus de faire dire, en intermède, des extraits des Châtiments, des Contemplations et de la Légende des siècles.

Mlle Favart est venue ce matin répéter avec moi Booz endormi. Puis nous sommes allés ensemble aux Français pour la répétition de la représentation de demain. Elle a très bien répété doña Sol. Mme Marie Laurent (Lucrèce Borgia) aussi. Pendant la répétition est venu M. de Flavigny. Je lui ai dit : — Bonjour, mon cher ancien collègue. Il m’a regardé, puis, un peu ému, s’est écrié : — Tiens ! c’est vous ! Et il a ajouté : — Que vous êtes bien conservé ! — Je lui ai répondu : — L’exil est conservateur.

J’ai renvoyé la loge que le Théâtre-Français m’offrait pour la représentation de demain et j’en ai loué une que j’offre à Mme Paul Meurice.

Après le dîner est venu le nouveau préfet de police, M. Cresson. M. Cresson était un jeune avocat il y a vingt ans. Il défendit les meurtriers du général Bréa. Ces hommes furent condamnés à mort. M. Cresson vint me trouver. Je demandai la grâce de ces malheureux à Louis Bonaparte, alors président de la République. M. Cresson, aujourd’hui préfet de police, m’a rappelé tous ces faits.

Puis il m’a parlé de la lecture gratuite des Châtiments que j’offre lundi 28 au peuple à l’Opéra. On craint une foule immense, tous les fau-