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voiture. Je m’y suis opposé. Une femme a tenu tout le temps la bride d’un des chevaux. Un homme en blouse m’a dit les vers qui sont dans mon jardin :


Venez tous faire vos orges,
Messieurs les petits oiseaux,
Chez Monsieur le Petit Georges.


Il a crié : Vive le Petit Georges ! Et la foule a crié : Vive le Petit Georges !

Nous sommes arrivés à minuit chez Meurice. J’y ai soupé, avec mes compagnons de route, plus Victor. Je me suis couché à deux heures.

Au point du jour, j’ai été réveillé par un immense orage. Éclairs et tonnerre.

Je déjeunerai chez Paul Meurice, et nous dînerons tous ensemble à l’hôtel Navarin, rue Navarin, 8, où ma famille est logée.

Paris. — 6 septembre. — Innombrables visites. Innombrables lettres.

Rey[1] est venu me demander si j’accepterais d’être d’un triumvirat ainsi composé : Victor Hugo, Ledru-Rollin, Schœlcher. J’ai refusé. Je lui ai dit : Je suis presque impossible à amalgamer.

Je lui ai rappelé nos souvenirs. Il m’a dit : — Vous rappelez-vous que c’est moi qui vous ai reçu quand vous arrivâtes à la barricade Baudin ? Je lui ai dit : — Je me rappelle si bien que voici… Et je lui ai dit les vers qui commencent la pièce (inédite) sur la barricade Baudin (Châtiments, t. II)[2] :


La barricade était livide dans l’aurore.
Et comme j’arrivais elle fumait encore.
Rey me serra la main et dit : Baudin est mort…


Il a pleuré.


7 septembre. — Sont venus Louis Blanc, d’Alton-Shée[3], Banville, etc.

Les dames de la Halle m’ont apporté un bouquet.


8 septembre. — Je suis averti qu’on prétend vouloir m’assassiner. Haussement d’épaules.

  1. Représentant du peuple en 1848, rédacteur du National ; devint préfet du Var. (Note de l’éditeur.)
  2. Victor Hugo n’a jamais publié le tome II des Châtiments. Les poésies qui devaient former ce volume ont été publiées en partie dans les Années funestes (où l’on trouvera la pièce dont il est question ici), en partie dans Toute la Lyre (Corde d’airain) et dans cette édition : les Châtiments, Reliquat. (Note de l’éditeur.)
  3. Ancien pair de France, fut mêlé très activement aux journées de Février 1848. Après la révolution du 4 septembre 1870, il collabora au Peuple souverain et fonda, en octobre 1872, un journal intitulé le Suffrage universel. (Note de l’éditeur.)