Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prit les mains en me les secouant très fort. Le général était très pâle. Beaucoup de personnes inconnues l’entouraient. Il m’est impossible de me rappeler ce que je dis au général et ce qu’il me répondit. Au bout de très peu d’instants, il me dit : Je suis pressé, il faut que je parte, donnez-moi le bras jusqu’à votre porte. Alors il appuya son coude gauche sur mon épaule droite et son coude droit sur l’épaule gauche de son fils Georges, et nous nous dirigeâmes à pas très lents vers la porte.

Au moment où j’arrivais à l’escalier et où j’allais descendre avec le général, je me retournai et je jetai un coup d’œil derrière moi. Mon regard évidemment perçait en ce moment-là les épaisseurs de toutes les murailles, car je vis en entier plusieurs grands salons. Il n’y avait plus personne ; tout était toujours éclairé, mais tout était désert. Seulement, je vis, seul et toujours assis à la même place dans l’embrasure de la même fenêtre, M. le duc d’Orléans qui me regardait tristement. En ce moment je m’éveillai.

J’ai eu ce rêve dans la nuit du 15 au 14 novembre 1842, précisément quatre mois après la mort de M. le duc d’Orléans, tué le 13 juillet, et dans la nuit même du jour où expirait le deuil porté pour la mort du prince.

J’ajoute qu’il est très rare que j’aie des rêves ayant forme précise et déterminée comme celui-ci, et que jamais jusqu’à ce jour je n’avais vu en songe M. le duc d’Orléans.