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1842.


[NOTES ÉPARSES.]


11 mars 1842.

Harel, qui a de l’esprit, me disait tout à l’heure : Louis-Philippe est un homme remarquable. Il a réussi à être usurpateur sans être glorieux. Fonder une dynastie sans épée ; cela ne s’était pas vu depuis Adam.




Hier 30 mars 1842, dans ce terrain vague qui est à gauche de l’Arc de l’Étoile, à l’extrémité de la grande avenue des Champs-Élysées, je me suis arrêté à la porte d’un petit clos enfermé dans un treillage au-dessus duquel il y avait cet écriteau : Terrain à vendre ou à louer. J’ai regardé là pendant quelques instants un joli petit enfant qui jouait et cherchait dans l’herbe les premières violettes. Comme je suivais de l’œil cet enfant, j’ai remarqué dans l’herbe où il marchait trois gros aigles en plâtre et trois grosses boules aussi en plâtre jetés à terre et couverts de moisissure. J’ai reconnu les aigles et les sphères qui ornaient le couronnement des cippes funèbres des Champs-Élysées le jour des funérailles de Napoléon. L’enfant faisait attention aux violettes et non aux aigles. Je suis resté là longtemps rêveur.

En revenant par les boulevards, mes yeux sont tombés par hasard sur la fenêtre de Fieschi. L’un des carreaux est cassé et raccommodé avec du papier.




3 avril. — Hier j’ai vu dans l’atelier de M. Jean Duseigneur, statuaire, un buste en plâtre de Louis XVIII, de grandeur naturelle (probablement de Bosio ou de Valois), que M. Duseigneur avait acheté le matin même, à un marchand de bric-à-brac, vingt sous.