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Les opinions qui se rapprochaient le plus de la mienne avaient été émises par MM. Fabvier, Vincent Saint-Laurent, Boullet, Viennet, Cousin et Dubouchage. La Moskowa et Boissy avaient conclu au renvoi. La Moskowa avait persiste. Boissy s’était rallié à la majorité.


On est rentré en séance, il était quatre heures et demie.

M. de Malleville, appelé le premier, a déclaré qu’il condamnait Joseph Henri aux travaux forcés à vie. Un mouvement d’approbation presque unanime a accueilli ce vote.

En effet, presque toute la cour a voté les travaux forcés à perpétuité.

M. Renouard a dit qu’il votait les travaux forcés à perpétuité par douceur et mansuétude, mais qu’entre une peine moindre et la peine plus élevée il n’hésiterait pas pour une peine plus élevée, de telle sorte que si, au premier tour, une majorité quelconque se manifestait pour une peine trop douce, la détention perpétuelle, par exemple, lui n’hésiterait pas à revenir à l’avis le plus sévère et voterait la peine de mort.

Quand mon tour est venu, je me suis borné à dire : la détention perpétuelle.

Plusieurs pairs ont émis le même vote, quatorze en tout. J’avais énoncé mon vote sans le commenter. M. Pelet de la Lozère, en s’y conformant, l’a expliqué et a rappelé à la Chambre que tous ses précédents, à l’exception d’un seul, le précédent Mialou, répugnaient à la peine infamante des travaux forcés.

Au deuxième tour d’opinion, je me suis borné à dire : Pour les motift que M. le comte Pelet de la Lozère vient d’exposer, motifs qu’il appartenait à un ancien pair de rappeler, j’ai émis le vote de la détention perpétuelle, et j’y persiste.

Le comte de Noé a déclaré qu’il votait la peine capitale, l’intention de régicide lui étant démontrée, et même matériellement prouvée ; il avait visité avec soin et examiné lui-même la partie basse de la façade des Tuileries, et il avait remarqué sous le balcon de la salle des maréchaux, près de la porte, deux cassures toutes fraîches évidemment produites par des projectiles. (Ici on a crié : Vous vous faites témoin !) Il a invité ses collègues à vérifier le fait. Cette preuve acquise à sa conscience, il votait sans hésiter, disait-il, la peine la plus sévère.

Avant M. de Noé, M. Viennet avait opiné avec une extrême vivacité, et m’avait un peu rappelé les ultra-royalistes d’il y a vingt-cinq ans. — La royauté est en péril. — L’état social s’écroule. — Ne songeons qu’à sauver la monarchie. Qu’importe le reste ? — L’orgueil et la vanité sont partout, et le bas mine le haut. — Les travaux forcés, c’est bien peu ; cependant on s’en contente, etc. — Hors les mots religion, trône et autel, sang de saint Louis, tout y était. — Je suis convaincu que M. Viennet raillait très fort en 1820 M. de Salaberry ; que dirait aujourd’hui M. de Salaberry de M. Viennet ?

Au premier tour, sur l’application de la peine, il y avait cent soixante-quatre pairs. Quatorze ont voté la peine de mort ; onze la détention perpétuelle ; quatre la déportation ; un vingt ans de travaux forcés (M. le président Boullet) ; un la détention perpétuelle dans une maison de santé (M. le prince de la Moskowa) ; cent trente-trois les travaux forcés à perpétuité.

Au deuxième tour, on n’était plus que cent soixante-trois, le comte Corbineau s’étant absenté. Un a voté la mort (Berlin de Veaux), treize la détention perpétuelle, cent quarante-neuf les travaux forcés à perpétuité.

Les treize qui ont voté la détention perpétuelle étaient, moi compris, MM. Villemain, Cordier, Bérenger de la Drôme, le marquis de Boissy, le marquis de Raigecourt, le prince de la Moskowa, le comte Pelet de la Lozère, le marquis de Béthisy, le marquis de Gouvion-Saint-Cyr, le vicomte Dubouchage et le comte de Pontécoulant.

Les deux tours finis, le chancelier a demandé si un troisième tour était réclamé. — Non ! non ! c’est inutile ! — Le pair qui avait seul voté la peine de mort au second tour s’est levé alors et a dit que, sans réclamer un troisième tour, il se ralliait à la majorité pour les travaux forcés. Deux des treize qui avaient voté la détention perpétuelle, les marquis de Raigecourt et de Béthisy, ont fait la même déclaration. L’arrêt a donc été ainsi rendu : il n’y avait plus que cent soixante-trois pairs par l’absence du comte Corbineau, cent cinquante-deux avaient voté les travaux forcés à vie, onze la détention perpétuelle.

Le chancelier a lu l’arrêt rédigé et l’a mis aux voix. Je n’ai pas levé la main.