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chœur, quatre fusiliers auprès de l’autel, une trentaine de soldats du 61e dans l’église commandés par un capitaine, deux membres de l’Assemblée nationale en écharpe, presque tout l’Institut ; la messe chantée en faux-bourdon, deux séminaristes des Missions regardant à droite de l’autel de derrière une statue, M. Antony Thouret tenant un des quatre coins du poêle, M. Patin faisant un discours ; telle fut cette cérémonie, qui eut tout ensemble je ne sais quoi de pompeux qui excluait la simplicité et je ne sais quoi de bourgeois qui excluait la grandeur.

C’était trop et trop peu. J’eusse voulu pour M. de Chateaubriand des funérailles royales, Notre-Dame, le manteau de pair, l’habit de l’Institut, l’épée du gentilhomme émigré, le collier de l’ordre, la Toison d’or, tous les corps présents, la moitié de la garnison sur pied, les tambours drapés, le canon de cinq en cinq minutes, — ou le corbillard du pauvre dans une église de campagne.

Il y avait dans l’église un vieux missionnaire à longue barbe qui avait l’air vénérable.

Le cadavre ne pouvait partir immédiatement pour Saint-Malo, car le flot ne lui permettait de prendre possession de son tombeau que le 18 juillet.

Après la cérémonie religieuse et la cérémonie académique, dont M. Patin fut l’officiant, dans la cour, par un soleil ardent, les femmes aux fenêtres, on descendit le mort illustre dans le caveau de l’église. On le plaça sur un tréteau dans un compartiment voûté à porte cintrée qui est à gauche au bas de l’escalier. J’y entrai.

Le cercueil était encore couvert du drap de velours noir. Une corde d’argent à gland en effilé était jetée dessus. Deux cierges brûlaient de chaque côté.

J’y rêvai quelques minutes. Puis je sortis et la porte se referma.