Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/370

Cette page a été validée par deux contributeurs.

savait bien qu’il ne le trouverait pas, c’est-à-dire chez lui. C’était de grand matin. Mme  Blanqui était couchée. Pendant qu’elle se levait, M. Yon était resté à la porte, et tout en attendant, il s’était amusé à regarder la clef.

De cette façon il s’en était gravé la figure dans l’esprit.


Ce fut encore M. Yon qui arrêta Blanqui après le 15 mai. Blanqui était caché rue Montholon. M. Yon, accompagné d’agents, pénétra brusquement dans sa cachette, au moment où Blanqui se mettait à table avec trois autres dont Flotte et Delcambre.

— Ne faites pas de mal à Blanqui ! cria Delcambre.

Flotte se jeta sur des pistolets.

— Ne bougez pas, dit Blanqui.

Il avait reconnu Yon.

Il sourit et dit : — Allons, il faut marcher.

— Soyez tranquilles tous, dit M. Yon. Mon devoir est de vous rendre sains et saufs à la loi.

Cependant Blanqui porta brusquement sa main à sa bouche et se mit à mâcher quelque chose.

M. Yon pensa que c’était du poison. Il se jeta sur lui et s’efforça de le lui faire revomir.

— Est-ce que c’est vraiment du poison ? demanda-t-il à Blanqui.

Blanqui se mit à rire.

— Du poison ! dit-il. C’est du papier.

Et il recracha ce qu’il avait dans la bouche. C’était en effet des papiers qu’il venait de mâcher.

— Ah ! dit M. Yon, vous, un chef de complots, avoir des papiers sur vous ! Est-ce que vous ne devez pas avoir tout dans votre tête ? Vous me faites de la peine. Je vous croyais plus conspirateur que cela.

Ceci toucha Blanqui. Il devint sombre.

— Allons, dit-il, police, paix-là !

M. Yon reprit : — Franchement, ce n’était pas la peine de mâcher ceci. Si vous m’aviez dit que vous aviez des papiers, je suis tellement sûr que vous ne feriez pas la folie d’écrire les choses essentielles, que je vous les aurais laissé brûler.

Blanqui emmené, on essaya de déplier les papiers qu’il avait mâchés, on tâcha d’y lire quelque chose ; on ne put rien retrouver.


Septembre 1848.