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Le roi et la reine descendirent. Renard les introduisit dans la salle basse de la ferme. Il y avait grand feu. Le roi était transi.

— J’ai bien froid, dit-il. Puis il reprit : J’ai bien faim.

Renard dit : — Monsieur, aimez-vous la soupe à l’oignon ?

— Beaucoup, dit le roi.

On fit une soupe à l’oignon, on apporta les restes du déjeuner de la ferme, je ne sais quel ragoût froid, une omelette.

Le roi et la reine se mirent à table, et tout le monde avec eux, Renard le fermier, ses garçons de charrue, et Thuret, le valet de chambre.

Le roi dévora tout ce qu’on lui servit. La reine ne mangea pas.

Au milieu du repas, la porte s’ouvre. C’était M. de … ; il arrivait en hâte d’Évreux.

Il aperçoit Louis-Philippe et s’écrie : — Le roi !

— Silence ! dit le roi.

Mais il était trop tard.

M. de … rassura le roi. Renard était un brave homme. On pouvait se fier à lui. Toute la ferme était pleine de gens sûrs.

— Eh bien ! dit le roi, il faut que je reparte tout de suite. Comment faire ?

— Où voulez-vous aller ? demanda Renard.

— Quel est le port le plus proche ?

— Honfleur.

— Eh bien ! je vais à Honfleur.

— Soit, dit Renard.

— Combien y a-t-il d’ici là ?

— Vingt-deux lieues.

Le roi effrayé s’écria :

— Vingt-deux lieues !

— Vous serez demain matin à Honfleur, dit Renard.

Renard avait un tape-cul dont il se servait pour courir les marchés. Il était éleveur et marchand de chevaux. Il attela à son tape-cul deux forts chevaux.

Le roi se mit dans un coin, Thuret dans l’autre, Renard, comme cocher, au milieu ; on mit en travers sur le tablier un gros sac plein d’avoine, et l’on partit.

Il était sept heures du soir.

La reine ne partit que deux heures après dans la berline, avec des chevaux de poste.

Le roi avait mis les billets de banque dans sa poche. Quant aux sacs d’argent, ils gênaient.