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1848.


[AVANT LA RÉVOLUTION.]


[JOURNAL DE VICTOR HUGO.]


17 février. — Voici la situation politique telle que la fait la question du Banquet (qui sera donné, à ce qu’il paraît, le 22)[1].

Il y a un lion, d’autres disent un tigre, dans une cage fermée avec deux clefs. Le gouvernement a une de ces deux clefs, l’opposition a l’autre. Gouvernement et opposition se disent réciproquement : — Si tu ouvres avec ta clef, j’ouvrirai avec la mienne.

Qui sera dévoré ?

Tous les deux.


18 février. — Le Banquet continue de préoccuper l’attention. Que se passera-t-il ?

En sortant de la Chambre des pairs, j’étais avec Villemain, M. d’Argout nous a abordés. Villemain a dit : Je voudrais que ce Banquet fût passé. — Oui, a répondu M. d’Argout, nous le voyons cuire, j’aimerais mieux le digérer.


19 février. — M. Thiers est fort contrarié d’être obligé de se mêler de ce Banquet, d’y aller peut-être. C’est l’opposition qui l’a poussé là. M. Duvergier de Hauranne a dit : — Tant pis ! nous l’avons jeté à l’eau. Il faut qu’il nage.




  1. En 1847 eut lieu ce qu’on a appelé la campagne des banquets ; les chefs de l’opposition dynastique : Thiers, Duvergier de Hauranne, Odilon Barrot, etc., s’étaient joints aux radicaux pour obtenir du Gouvernement la réforme électorale. L’entêtement du ministère Guizot donna une nouvelle impulsion à la campagne des banquets qui, commencée en juillet 1847 dans toute la France, se prolongea jusqu’en février 1848. Le banquet du xiie arrondissement, organisé par l’opposition dynastique et les radicaux, fut d’abord interdit par le Gouvernement, puis autorisé ; mais en présence des passions et de l’agitation que souleva l’annonce de cette manifestation qui devait être précédée d’un défilé de représentants à travers Paris, les organisateurs renoncèrent à leur projet. (Note de l’éditeur.)