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[NOTES ÉPARSES.]


10 décembre 1847.

M. Barthélémy est venu me voir ce matin et m’a lu des vers qu’il m’adresse sur la Poésie et qui paraîtront dimanche dans le Siècle. Son point de vue est à la fois injuste et étroit. Je ne le lui ai pas dissimulé. Il m’appelle

Novateur dans le vers et non dans la pensée.

Toute cette épître, je le lui ai dit, rappelle par le fond mesquin des idées l’épître de Boileau à Molière :

Enseigne-moi, Molière, où tu trouves la rime.

Il y a du reste de fort beaux vers dans l’épître de M. Barthélémy. Il m’a dit : — Je ne la publierai pas si elle vous déplaît. — Je lui ai dit : — Publiez. Je crois que vous avez aujourd’hui, et que j’ai demain. Le public vous donnera raison et la postérité vous donnera tort. Moi, je vis penché en avant.




19 décembre.

On a crié quand j’ai dit dans Notre-Dame de Paris que la chimie de nos jours ne fait guère que retrouver l’alchimie, si niée et si raillée depuis deux siècles, de même que le magnétisme explique et constate les prophètes, les sybilles, les visionnaires et les martyrs. Chaque jour le prouve. Ainsi l’éther et le chloroforme, ces miracles d’aujourd’hui, sont, pour qui a lu, de vieux miracles. Il y a, à la bibliothèque communale de Cambrai, deux exemplaires d’un livre intitulé : Proprietates rerum Domini Bartholomei anglici. L’un de ces exemplaires, édition de 1482, vient de l’abbaye de Saint-Aubert, l’autre, édition de 1488, vient de l’abbaye de Saint-Sépulcre. On y lit au livre XVII, chapitre 104, les quatre lignes que voici : — Mandragoræ cortæ, vino mixtus, porrigitur ad bibendum, his quorum corpus, et, secundum, ut dolorem non sentiant, soporati. — « L’écorce de mandragore, mêlée au vin, est présentée à boire à ceux dont le corps (doit subir quelque opération douloureuse) et sur-le-champ ils sont endormis de manière à ne point sentir la douleur. »