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Un peu plus loin chevauchait un autre groupe. Un nègre en habit rouge avec un cordon bleu et des épaulettes de général, et un immense chapeau surchargé de plumes tricolores, se faisait jour à travers toute cette canaille. Il était précédé d’un horrible petit négrillon casqué qui battait du tambour, et suivi de deux mulâtres, l’un en habit de colonel, l’autre en turc avec un turban du mardi gras sur son affreuse tête chinoise.

J’apercevais au loin dans la plaine des bataillons de soldats déguenillés rangés autour d’une grande maison qui avait un drapeau tricolore et un balcon couvert de monde. Cela avait tout l’air d’un balcon où il se fait une harangue.

Plus loin, au delà de ces bataillons, de ce balcon, de ce drapeau et de cette harangue, je ne voyais plus qu’une magnifique nature pleine d’un calme immense, des arbres verts et charmants, des montagnes d’une forme superbe, le ciel sans un nuage, l’océan sans une ride.

Chose étrange et triste que de voir se produire si effrontément la grimace de l’homme en présence de la face de Dieu !


Dicté par moi le 25 septembre 1845.