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M. Guizot avait fait dans la journée à la Chambre des députés un discours très noble, très beau et très fier sur notre commencement de querelle avec l’Angleterre. On parlait beaucoup de ce discours. Les uns approuvaient, les autres blâmaient.

M. le baron de Billing passa auprès de moi, donnant le bras à une femme que je ne voyais pas.

— Bonjour, me dit-il. Que pensez-vous du discours ?

Je répondis :

— J’en suis content. J’aime à voir qu’on se relève enfin dans ce pays-ci. On dit que cette fierté est imprudente, je ne le pense pas. Le meilleur moyen de n’avoir pas la guerre, c’est de montrer qu’on ne la craint pas. Voyez, l’Angleterre a plié devant les États-Unis il y a deux ans. Elle pliera de même devant la France. Soyons insolents, on sera doux ; si nous sommes doux, on sera insolent.

En ce moment, la femme à laquelle il donnait le bras s’est tournée vers moi, et j’ai reconnu l’ambassadrice d’Angleterre.

Elle avait l’air très fâchée ; elle m’a dit :

— Oh ! Monsieur !…

J’ai répondu :

— Ah ! Madame !…

Et la guerre a fini là. Plaise à Dieu que ce soit là aussi tout le dialogue entre la reine d’Angleterre et le roi de France !