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Autrefois, c’était Racine qui était au centre, et Corneille dans le coin. C’est un pas de fait.

Encore une démolition, encore une reconstruction, encore un pas, et ce sera Molière qu’on mettra à la place d’honneur.




VI

17 décembre 1846.

Aujourd’hui jeudi, à l’Académie, je chapitrais Dupin aîné sur Balzac. Il m’interrompit :

— Diable ! diable ! vous voudriez que Balzac entrât à l’Académie d’emblée, du premier coup, comme ça ! Vous citez des exemples, mais ils ne prouvent rien. (J’avais cité MM. Flourens, Patin, Saint-Marc Girardin, Mole, Brifaut.) Songez donc ! Balzac d’emblée à l’Académie ! Vous n’avez pas réfléchi. Est-ce que cela se peut ? Mais c’est que vous ne pensez pas à une chose : il le mérite !




VII

Séance du jeudi 24 décembre 1846.

Un copiste malhabile, chargé de fournir des exemples, avait donné celui-ci, tiré, disait-il, de Regnard (le Joueur) :

Je me mettrais en gage, à mon besoin d’argent.

Là-dessus, la commission du Dictionnaire bâcla une théorie pour démontrer comme quoi la locution était excellente, et neuve, et faisait partie des originalités de la langue française.

L’Académie était en train d’approuver le rapporteur M. Patin, lorsqu’un membre (M. Ancelot) fit remarquer que Regnard n’avait pas écrit un mot de cela, et que le texte était (le Joueur, acte II, scène ix) :

— Je me mettrais en gage en un besoin urgent.
— Sur cette nippe-là vous auriez peu d’argent.

Un peu plus, la chose était dans le Dictionnaire avec la manière de s’en servir.