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Ah ! vous m’avez fait grâce ! — Ah ! vous nommez la chose
Une grâce ! et je suis un ingrat, je suppose !
— Sire, au lieu d’abuser ma fille, bien plutôt
Que n’êtes-vous venu vous-même en mon cachot !
Je vous aurais crié : — Faites-moi mourir, grâce !
Oh ! grâce pour ma fille, et grâce pour ma race !
Oh ! faites-moi mourir ! la tombe, et non l’affront !
Pas de tête plutôt qu’une souillure au front !
Oh ! mon seigneur le roi, puisqu’ainsi l’on vous nomme,
Croyez-vous qu’un chrétien, un comte, un gentilhomme,
Soit moins décapité, répondez, mon seigneur,
Quand au lieu de la tête il lui manque l’honneur ?
— J’aurais dit cela, sire et le soir, dans l’église,
Dans mon cercueil sanglant baisant ma barbe grise,
Ma Diane au cœur pur, ma fille au front sacré,
Honorée, eût prié pour son père honoré !
— Sire, je ne viens pas redemander ma fille ;
Quand on n’a plus d’honneur, on n’a plus de famille.
Qu’elle vous aime ou non d’un amour insensé,
Je n’ai rien à reprendre où la honte a passé.
Gardez-la. — Seulement je me suis mis en tête
De venir vous troubler ainsi dans chaque fête,
Et jusqu’à ce qu’un père, un frère, ou quelque époux,
— La chose arrivera, — nous ait vengé de vous,
Pâle, à tous vos banquets, je reviendrai vous dire :
— Vous avez mal agi, vous avez mal fait, sire ! —
Et vous m’écouterez, et votre front terni
Ne se relèvera que quand j’aurai fini.
Vous voudrez, pour forcer ma vengeance à se taire,
Me rendre au bourreau. Non. Vous ne l’oserez faire,