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il n’y a que lassitude. Il lui sera demandé sévèrement compte un jour de tous les actes illégaux que nous voyons s’accumuler depuis quelque temps. Que de chemin il nous a fait faire ! Il y a deux ans on pouvait craindre pour l’ordre, on en est maintenant à trembler pour la liberté. Des questions de libre pensée, d’intelligence et d’art sont tranchées impérialement par les visirs du roi des barricades. Il est profondément triste de voir comment se termine la révolution de juillet, mulier formosa supernè.

Sans doute, si l’on ne considère que le peu d’importance de l’ouvrage et de l’auteur dont il est ici question, la mesure ministérielle qui les frappe n’est pas grand’chose. Ce n’est qu’un méchant petit coup d’état littéraire, qui n’a d’autre mérite que de ne pas trop dépareiller la collection d’actes arbitraires à laquelle il fait suite. Mais si l’on s’élève plus haut, on verra qu’il ne s’agit pas seulement dans cette affaire d’un drame et d’un poète ; mais, nous l’avons dit en commençant, que la liberté et la propriété sont toutes deux, sont tout entières engagées dans la question. Ce sont là de hauts et sérieux intérêts ; et quoique l’auteur soit obligé d’entamer cette importante affaire par un simple procès commercial au Théâtre-Français, ne pouvant attaquer directement le ministère barricadé derrière les fins de non-recevoir du conseil-d’état, il espère que sa cause sera aux yeux de tous une grande cause, le jour où il se présentera à la barre du tribunal consulaire, avec la liberté à sa droite et la propriété à sa gauche. Il parlera lui-même, au besoin, pour l’indépendance de son art. Il plaidera son droit fermement, avec gravité et simplicité, sans haine des personnes et sans crainte aussi. Il compte sur le concours de tous, sur l’ap-