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Ce pauvre Triboulet qui vous a tant fait rire ! —
Vraiment, je ne sais plus maintenant que vous dire.
Rendez-moi mon enfant, messeigneurs, rendez-moi
Ma fille, qu’on me cache en la chambre du Roi !
Mon unique trésor ! — Mes bons seigneurs, par grâce !
Qu’est-ce que vous voulez à présent que je fasse
Sans ma fille ? — Mon sort est déjà si mauvais !
C’était la seule chose au monde que j’avais !

Tous gardent le silence. Il se relève désespéré.

Ah Dieu ! vous ne savez que rire ou que vous taire !
C’est donc un grand plaisir de voir un pauvre père
Se meurtrir la poitrine, et s’arracher du front
Des cheveux que deux nuits pareilles blanchiront !

La porte de la chambre du roi s’ouvre brusquement. Blanche en sort, éperdue, égarée, en désordre ; elle vient tomber dans les bras de son père avec un cri terrible.
Blanche.

Mon père ! ah !

Triboulet, la serrant dans ses bras.

Mon père ! ah ! Mon enfant ! ah ! c’est elle ! ah ! ma fille !
Ah ! messieurs !

Suffoqué de sanglots et riant au travers.

Ah ! messieurs ! Voyez-vous ? c’est toute ma famille,
Mon ange ! — Elle de moins, quel deuil dans ma maison !
— Messeigneurs, n’est-ce pas que j’avais bien raison,
Qu’on ne peut m’en vouloir des sanglots que je pousse,
Et qu’une telle enfant, si charmante et si douce,