Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/86

Cette page n’a pas encore été corrigée

Turc, moi, je suis un Lama... ; cependant les lois de la raison sont égales pour tous. Tu as pris notre tente, et tu l'as portée au Mont-de-Piété ; si tu étais dans l'embarras, ta as bien fait, on ne te le reproche pas ; mais nous allons partir demain, et notre tente n'est pas encore ici. Qui a raison ? Est-ce nous, de réclamer notre bien, ou toi, de ne pas nous le rendre ? Ne dis pas que la tente est chez un de tes amis ; moi, je te dis qu'elle est au Mont-dé Piété. Si, avant que nous ayons achevé de boire ce cruchon de thé, notre tente n'est pas ici, j'irai moi-même la réclamer au tribunal, et on verra si un Lama Dchiahour se laissera opprimer par un Turc. — Pour servir de péroraison à ce discours, Sandara donna un si grand coup de poing sur la petite table où nous buvions le thé, que nos trois écuelles en sautèrent en l'air. Le Turc n'avait rien à répliquer, et il était démontré pour nous que notre tente était au Mont-de-Piété. Le chef de la Maison de repos nous assura qu'avant peu nous l'aurions, et nous pria de ne pas ébruiter cette affaire, qui pourrait compromettre son établissement. A peine fut-il sorti, qu'un grand tumulte se fit entendre dans la cour ; on ramassait de toute part des objets qu'on pût porter au Mont-de-Piété, des selles de cheval, des couvertures de lit, de vieux chandeliers en étain et des instruments de cuisine. Le soir, avant de nous coucher, nous avions notre tente bien ficelée sur la charrette qui devait nous transporter à la lamaserie.

Le lendemain, à l'aube du jour, nous nous mîmes en route. Le pays que nous traversâmes est tantôt occupé par les Si-Fan, menant la vie nomade et faisant paître leurs troupeaux, tantôt habité par des Chinois, qui, comme dans