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le monde se poursuit. Cet homme qui vient de faire chez son voisin un tapage affreux pour se faire payer ses dettes, rentre chez lui, et trouve sa maison sens-dessus-dessous par la présence d'un créancier. On vocifère de toute part, on s'injurie, on se bat. Le dernier jour, le désordre est à son comble ; on se hâte de vendre, pour réaliser quelques espèces. Les avenues des monts-de-piété sont encombrées. On y porte les habits, les couvertures de lit, les instruments de cuisine, et des meubles de toute espèce. Ceux qui ont déjà fait le vide dans leur maison cherchent ailleurs des ressources. Ils courent chez leurs parents ou leurs amis, emprunter des objets, qu'ils vont, disent-ils, leur rendre aussitôt, et immédiatement tout cela prend aussi la route du Tang-Pou. Cette espèce d'anarchie dure jusqu'à minuit. Alors tout rentre dans le calme ; il n'est plus permis à personne de réclamer ses dettes, pas même d'y faire la moindre allusion. On n'a plus que des paroles de paix et de bienveillance ; tout le monde fraternise. Ceux qui, l'instant d'auparavant, étaient sur le point de s'entr'égorger, font maintenant assaut de politesse et de cordialité. Le nouvel an est fêté en Chine à peu près comme en Europe. Tout le monde se revêt de ses habits de luxe ; on se rend des visites cérémonieuses et de pure étiquette ; on s'envoie mutuellement des cadeaux, on joue, on assiste à des festins ; on va voir la comédie, les saltimbanques et les escamoteurs, Tout le temps se passe en réjouissances, où les pétards et les feux d'artifice jouent toujours le plus grand rôle. Cependant, après quelques jours, les boutiques se rouvrent, et les affaires reprennent insensiblement leur cours. Alors les banqueroutes se déclarent ;