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trouver admirable cette fierté des Longues-Chevelures. Tang-Keou-Eul, à cause de sa malpropreté et de son excessive population, est une ville dont le séjour est très-malsain. On respire partout une odeur de graisse et de beurre, qui suffoque le cœur. Certains quartiers surtout, où se ramassent les pauvres et les vagabonds, sont d'une infection insupportable. Ceux qui n'ont pas de maison où ils puissent s'abriter, se retirent aux angles des rues ou dans les recoins des places, et se couchent pêle-mêle et à moitié nus sur des tas de paille presque réduite en fumier. Là, on voit étendus des enfants étiolés, des vieillards impotents et des malades de toute espèce. Quelquefois, parmi eux, se trouvent des cadavres, que personne ne prend le soin d'enterrer ; ce n'est qu'à la dernière extrémité, et lorsqu'ils commencent à entrer en putréfaction, qu'on les traîne au milieu de la voie publique ; alors l'autorité les fait enlever. Cette misère hideuse fait pulluler au sein de la population, une foule de petits voleurs et d'escrocs, dont l'audace et l'adresse laisseraient bien loin les Robert-Macaire de l'occident. Le nombre en est si grand, que l'autorité, de guerre lasse, a fini par ne plus s'en mêler. C'est donc à chacun à veiller sur ses sapèques et à défendre son bagage. Ces industriels exploitent, de préférence, les Maisons de repos et les hôtelleries ; ils colportent divers articles de marchandises, des bottes, des habits de peau, du thé en brique, et vont les offrir aux étrangers. Ils sont ordinairement deux ensemble. Pendant que l'un est occupé de commerce, l'autre fureté à droite et à gauche, et s'empare de tout ce qu'il trouve sous sa main. Ces gens-là sont d'une adresse inconcevable pour