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noyait un grand nombre ; car il fallait traverser de grands fleuves, sans pont, sans barque, n'ayant d'autre secours que des animaux qui souvent ne savaient pas nager. Puis par-dessus tout cela venaient les hordes de brigands, qui à certaines époques de l'année parcouraient le désert, détroussaient les voyageurs, et les abandonnaient, sans habits et sans nourriture, au milieu de ces épouvantables contrées ; enfin on nous racontait des choses à faire dresser les cheveux sur la tête. Ces récits, en apparence fabuleux, ou du moins très-exagérés, étaient toutefois les mêmes dans toutes les bouches, et toujours d'une effrayante uniformité. On pouvait d'ailleurs voir et interroger, dans les rues de Tang-Keou-Eul, quelques Tartares-Mongols, qui étaient comme les pièces justificatives de ces longues histoires d'aventures tragiques ; c'étaient les débris d'une grande caravane, assaillie l'année précédente par une troupe de brigands. Ils avaient trouvé moyen de s'échapper, mais leurs nombreux compagnons avaient été abandonnés à la merci des Kolo (brigands). Tous ces renseignements, incapables d'ébranler notre résolution, furent seulement pour nous un motif de ne pas précipiter notre départ, et d'attendre une bonne occasion.

Il y avait six jours que nous étions à Tang-Keou-Eul, lorsqu'une petite caravane de Tartares-Khalkhas vint mettre pied à terre dans notre Maison de repos. Elle arrivait des frontières de la Russie, et s'en allait à Lha-Ssa pour rendre hommage à un tout jeune enfant, qui, disait-on, était le fameux Guison-Tamba nouvellement transmigré. Quand ces Tartares surent que nous attendions une occasion favorable pour nous acheminer vers le Thibet, ils furent au