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étroite gorge, à un plateau que nous trouvâmes encombré de neige. De là, nous entrâmes dans une forêt magnifique, la plus belle que nous ayons vue dans les montagnes du Thibet. Les pins, les cèdres et les houx entrelaçaient leurs vigoureuses branches, et formaient un dôme de verdure impénétrable au soleil, sous lequel on se trouve bien mieux à l'abri de la pluie et de la neige que dans les maisons de Ta-So. Les branches et les troncs de ces grands arbres, sont recouverts d'une mousse épaisse, qui se prolonge en longs filaments extrêmement déliés. Quand cette mousse filandreuse est récente, elle est d'une jolie couleur verte ; mais lorsqu'elle est vieillie, elle est noire, et ressemble exactement à de longues touffes de cheveux sales et mal peignés. Il n'est rien de monstrueux et de fantastique comme ces vieux pins qui portent un nombre infini de longues chevelures suspendues à leurs branches. Le houx épineux qu'on rencontre sur les montagnes du Thibet, est remarquable par le prodigieux développement qu'il acquiert. En Europe, il ne dépasse jamais la taille d'un arbuste ; mais là, il s'élève toujours à la proportion d'un grand arbre. S'il ne vient pas tout-à-fait aussi haut que le pin, il rivalise avec lui par la grosseur du tronc ; il lui est même supérieur par la richesse et l'abondance de son feuillage.

Cette journée de marche fut longue et fatigante. Il était nuit close, quand nous arrivâmes à la station de Samba, où nous devions changer les oulah. Nous étions sur le point de nous coucher, quand on remarqua qu'il manquait un Thibétain de l'escorte. C'était précisément celui qui avait été désigné pour notre domestique. On le chercha