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nous parla alors de sa famille qu'il avait trouvée dans une affreuse misère. Son père était mort depuis longtemps ; sa vieille mère était aveugle, et n'avait pas eu le bonheur de le voir ; il avait deux frères, l'un encore jeune, et l'autre que nous avions sous les yeux. Ce jeune homme était le seul soutien de sa famille ; il consacrait son temps à la culture d'un petit champ qui leur restait encore, et à la garde des troupeaux d'autrui. D'après ce tableau il était facile de savoir ce que Samdadchiemba avait fait de ses habits ; il avait tout laissé à sa pauvre mère, sans même excepter sa couverture de voyage. Nous crûmes devoir lui proposer de rester chez lui, afin de donner ses soins à sa malheureuse famille. — Comment, nous dit-il, aurais-je la cruauté de faire une pareille chose ? Est-ce qu'il pourrait m'être permis d'aller leur dévorer le champ qui leur reste ? à peine peuvent-ils vivre eux-mêmes, où trouveraient-ils de quoi me nourrir ? Je n'ai aucune industrie, je ne sais pas travailler la terre ; de quel secours puis-je leur être ? — Nous ne trouvâmes cette résolution ni noble, ni généreuse ; mais connaissant le caractère de Samdadchiemba, elle ne nous surprit pas. Nous n'insistâmes pas pour le faire rester, car nous étions encore plus persuadés que lui qu'il n'était pas bon à grand'chose, et que sa famille n'avait en effet rien à attendre de son assistance ; de notre côté nous fîmes tout ce qui pouvait dépendre de nous pour soulager ces malheureux. Nous donnâmes une assez forte aumône au frère de Samdadchiemba, et nous fîmes nos préparatifs pour continuer notre route.

Pendant ces huit jours de repos l'état de nos animaux s'était suffisamment amélioré pour oser tenter le chemin