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coupé en quatre parties, puis arrimé dans une caisse qu'on abandonna sans distinction parmi les bagages. On fit croire aux Thibétains que, pour honorer la piété filiale, le corps du fils avait été déposé à côté de celui du père, dans le même cercueil.

Ces deux cadavres, que nous nous étions adjoints pour compagnons de route, donnèrent à la caravane un aspect triste, funèbre, et qui agissait fortement sur l'imagination des Chinois. Ly, le Pacificateur des royaumes, dont les forces allaient tous les jours s'affaiblissant, en était surtout épouvanté ; il eût bien voulu éloigner de lui ce sinistre spectacle, mais il ne l'eût pu sans s'exposer à l'accusation terrible d'avoir mis des obstacles à la sépulture de deux Mandarins morts en pays étranger.

De Adzou-Thang, nous allâmes coucher et changer les oulah dans un petit village de la vallée de Ché-Pan-Keou (vallée des ardoises). Selon le témoignage de l'Itinéraire chinois, les habitants de cette vallée sont des gens très-grossiers, méchants et indociles : ce qui signifie, en d'autres termes, qu'ils n'ont pas peur des Chinois, et qu'ils sont dans l'habitude de leur faire bien payer les yaks et les chevaux qu'ils leur fournissent.

La vallée de Ché-Pan-Keou, comme l'indique son nom, abonde en carrières de schiste argileux. Les Thibétains de ces contrées en retirent de belles feuilles d'ardoise, dont ils recouvrent les plates-formes de leurs maisons ; ils sont aussi dans l'usage d'en extraire des lames très-épaisses, et de graver dessus des images de Bouddha avec la formule : Om, mani, padme, houm. Ces ardoises sont d'un grain extrêmement fin. Les petites parcelles de mica ou de taie