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Les Thibétains de la contrée étaient trop farouches pour nous fournir gratuitement des bœufs et des chevaux. Nous voyageâmes pendant deux jours dans un pays extrêmement bas, où nous rencontrâmes fréquemment de petits villages, et des tentes noires groupées au fond des vallées. Souvent nous fûmes contraints de passer sur de nombreux ponts en bois, pour traverser, tantôt des ruisseaux calmes et paisibles, et tantôt des torrents qui roulaient avec un fracas épouvantable leurs eaux impétueuses.

Un peu avant d'arriver à la station de Adzou-Thang, nous rejoignîmes la troupe qui accompagnait le cercueil du Liang-Taï décédé à Bagoung. Le fils, lui aussi, venait de mourir dans une tente noire, après quelques heures d'une affreuse agonie. La caravane n'ayant plus de chef, se trouvait dans une désorganisation complète ; la plupart des soldats de l'escorte s'étaient dispersés, après avoir pillé les bagages de leur Mandarin ; trois seulement étaient restés à leur poste, et s'occupaient des moyens d'effectuer le transport de ces deux cadavres jusqu'en Chine. Ils désespéraient de pouvoir continuer leur route, en si petit nombre ; aussi l'arrivée de notre caravane les tira-t-elle d'un grand embarras. Le convoi du père avait été convenablement organisé à Bagoung ; restait celui du fils. Les porteurs de son palanquin n'avaient pas voulu s'en charger, parce qu'ils prévoyaient qu'on ne trouverait pas assez d'argent pour les payer. Placer le cercueil sur un bœuf de charge, était une mesure impraticable : jamais on n'eût pu décider les conducteurs thibétains à porter sur un de leurs animaux un cadavre, et surtout le cadavre d'un Chinois ; il fallut donc user de ruse. Le corps du nouveau défunt fut secrètement