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Notre arrivée au milieu de la nuit mit toute la ville en émoi. Les chiens, par leurs aboiements acharnés, commencèrent par donner l'alarme. Bientôt toutes les portes des maisons s'ouvrirent, et les habitants de la ville se répandirent en tumulte dans les rues, avec des lanternes en corne, des torches et des armes de toute espèce. On croyait généralement que c'était une invasion des ennemis. Mais à mesure qu'on remarquait l'allure pacifique et même un peu tremblante de la caravane, les esprits se calmaient, et chacun rentrait chez soi. Il était plus de minuit quand nous pûmes enfin dérouler nos couvertures et prendre un peu de sommeil. Nous nous couchâmes après avoir statué qu'on s'arrêterait un jour à Djaya : ce n'était pas trop qu'un jour de repos, après avoir traversé la fameuse montagne d'Angti.

Djaya est, comme nous l'avons déjà dit, la résidence du jeune Lama Houtouktou, qui pour lors était en guerre avec celui de Tsiamdo. La ville, située dans une belle vallée, est assez vaste ; mais, au moment où nous y passâmes, elle était à moitié ruinée : il y avait tout au plus une vingtaine de jours qu'elle avait été attaquée par les partisans du grand Houtouktou. Les deux partis s'étaient livré, nous dit-on, des combats terribles, et où, de part et d'autre, les victimes avaient été nombreuses. En parcourant la ville, nous vîmes des quartiers totalement ravagés par la flamme ; il ne restait plus que d'énormes amas de pierres calcinées et des boiseries réduites en charbon. Tous les arbres de la vallée avaient été coupés, et le piétinement des chevaux avait ravagé et bouleversé de fond en comble les champs cultivés. La célèbre lamaserie de Djaya était déserte. Les