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mit à profit cette longue halte pour soigner la maladie de ses jambes, qui de jour en jour prenait un caractère plus alarmant. La question des oulah fut longuement débattue dans plusieurs assemblées, et résolue enfin de la même manière qu'à Gaya, ce qui ne manqua pas de vexer beaucoup les Chinois, et de leur arracher de grandes clameurs. Ce que nous trouvâmes de plus remarquable à Angti, ce fut, sans contredit, le Dhéba ou chef de la tribu. Ce personnage, nommé Bomba, était tout au plus haut de trois pieds ; le sabre qu'il portait à la ceinture avait pour le moins deux fois la longueur de sa taille. Malgré cela, cet homme avait un buste magnifique, et surtout une figure large, énergique, et d'une belle régularité. L'exiguïté de sa taille provenait d'un complet avortement des jambes, sans que pourtant ses pieds présentassent aucune difformité : ce manque presque total de jambes n'empêchait pas le chef de la tribu d'Angti d'être d'une activité surprenante. On le voyait sans cesse aller et venir, avec autant d'agilité que les plus ingambes ; il ne pouvait pas, à la vérité, faire de grands pas, mais il y suppléait par la rapidité de ses mouvements. A force de rouler à droite et à gauche, de bondir et de rebondir, il arrivait toujours aussitôt que les autres. Il était, disait-on, le plus habile cavalier et le guerrier le plus intrépide de la tribu. Quand on l'avait une fois hissé sur son cheval, où il se tenait en même temps debout et assis, il était invincible. Dans les assemblées populaires, que les montagnards de ces contrées ont coutume de tenir fréquemment, et toujours en plein air, pour traiter toutes les questions d'intérêt public et privé, le chef Bomba se faisait toujours remarquer par l'ascendant de son éloquence