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nous fit tressaillir, et un sourire involontaire dut annoncer à notre amphitryon, combien son second service était accueilli favorablement. On enleva les peaux de raisin et les coques de noix, la bière thibétaine remplaça le thé beurré, et nous nous mîmes à l'œuvre avec une incomparable énergie.

Quand nous eûmes glorieusement triomphé de ce repas homérique, nous offrîmes au Grand-Chef une écharpe de félicité, et nous remontâmes à cheval. Non loin du château féodal du fameux Proul-Tamba, nous rencontrâmes sur notre route une montagne calcaire, ayant à son sommet de grandes ouvertures, et portant, sur ses flancs escarpés, de nombreuses sentences bouddhiques, gravées en caractères gigantesques. Tous les Thibétains de la caravane s'arrêtèrent, et se prosternèrent trois fois la face contre terre. Cette montagne servait de retraite à un Lama contemplatif, pour lequel toutes les tribus de la province de Kham avaient une vénération profonde. D'après les récits des gens du pays, ce saint Lama s'était relire, depuis vingt deux ans, dans une des cavernes de la montagne. Depuis lors, il y était constamment resté sans en sortir une seule fois, passant les jours et les nuits dans la prière et la contemplation des dix milles vertus de Bouddha. Il n'était permis à personne d'aller le visiter. Cependant tous les trois ans, il donnait une grande audience de huit jours, et, pendant ce temps, les dévots pouvaient se présenter librement dans sa cellule, pour le consulter sur les choses passées, présentes et futures. Alors les grosses offrandes ne manquaient jamais d'affluer de toutes parts ; mais le saint Lama ne gardait rien pour lui. Il avait l'habitude de faire