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notre cuisine, puis matin et soir abreuver nos animaux, à une assez grande distance de l'auberge. Le maître d'hôtel était un de ces hommes d'un naturel excellent, toujours empressé à rendre service, mais au fond toujours à charge, et d'une importunité qu'on ne leur pardonne qu'à cause de leur bonne volonté. Ce bonhomme d'aubergiste venait à chaque instant dans notre chambre, pour nous donner des avis sur la tenue de notre ménage. Après avoir changé tous les objets de place, tout arrangé selon sa fantaisie du moment, il s'approchait enfin de notre petit fourneau, découvrait la marmite, goûtait notre ragoût avec son doigt, puis ajoutait du sel ou du gingembre au grand dépit de H. Huc, qui était chargé officiellement de la cuisine. D'autres fois, il prétendait que nous n'entendions rien à faire le feu ; qu'il fallait disposer le charbon de telle manière, laisser un courant d'air de tel côté ; puis il prenait les pinces et bouleversait notre foyer, au grand mécontentement de M. Gabet, qui faisait l'office de chauffeur. Quand la nuit arrivait, c'était surtout alors qu'il se croyait indispensable, pour allonger ou retirer à propos la mèche de la lampe, et la faire éclairer convenablement. Quelquefois, il avait vraiment l'air de se demander comment nous avions pu faire pour vivre sans lui, l'un jusqu'à trente-deux ans et l'autre jusqu'à trente-sept. Cependant, parmi toutes ces prévenances dont il nous importunait à chaque instant, il en était une que nous lui passions volontiers, c'était celle de nous chauffer le lit ; la manière était si bizarre, tellement particulière au pays, que nulle part nous n'avions eu occasion d'acquérir de l'expérience sur ce point.

Le kang, ou espèce de grand fourneau sur lequel on couche,