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de ces tristes pensées de la mort. Le chef du village thibétain se rendit au corps de garde, pour annoncer aux voyageurs qu'il avait été arrêté, dans le pays, que désormais on ne fournirait plus les oulah gratuitement ; .... que pour un cheval on paierait une once d'argent, et pour un yak une demi-once. — La caravane qui est partie hier, ajouta-t-il, a été obligée d'en passer par là ... Pour bien nous prouver ensuite que ce règlement ne supportait aucune discussion, il nous tira brusquement la langue, et s'en alla.

Un manifeste si clair et si précis fut pour le Pacificateur des royaumes un véritable coup de foudre. Il oublia complètement la mort si mélancolique du pauvre Liang-Taï, pour ne plus s'occuper que de l'effroyable catastrophe qui allait fondre sur sa bourse. Nous participâmes charitablement à sa douleur, et nous essayâmes de notre mieux, de conformer nos paroles à ses sombres pensées. Mais au fond la chose nous était parfaitement indifférente. Si l'on refusait de nous fournir les moyens de continuer notre route, nous n'avions qu'à rester dans le Thibet ; ce qui, au bout du compte, n'était pas pour nous un parti extrêmement difficile à prendre. En attendant, nous allâmes nous coucher, et nous laissâmes les gens de l'escorte s'occuper de politique et d'économie sociale.

Le lendemain, quand nous nous levâmes, il n'y avait dans la cour du corps de garde ni bœufs ni chevaux. Ly-Kouo-Ngan était plongé dans une profonde désolation. — Aurons-nous des oulah ? lui demandâmes-nous ; partirons-nous aujourd'hui ? — Ces hommes sauvages, nous répondit-il, n'entendent pas la raison ; ils ne comprennent pas le mérite de l'obéissance. J'ai pris le parti de m'adresser à