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construites en magnifiques fragments de marbre blanc, cimentés avec de la boue ou de la bouse de vache. Aussitôt que nous fûmes arrivés, on nous annonça la mort du Liang-Taï, nommé Peï, qui nous avait atteints à Tsiamdo. Il y avait deux jours que sa caravane était passée à Bagoung. Etant parvenu au corps de garde, les porteurs du Mandarin, après avoir déposé le palanquin, en ouvrirent les rideaux, selon l'usage, pour inviter son Excellence à vouloir bien entrer dans l'appartement qu'on lui avait préparé. Mais dans le palanquin il n'y avait plus qu'un cadavre. Selon les usages chinois, le fils du défunt ne pouvait laisser le corps de son père sur une terre étrangère ; il devait le conduire dans sa famille, pour le déposer dans la sépulture des ancêtres. Or, nous étions encore au cœur du Thibet, et la famille du Mandarin Peï se trouvait dans la province du Tche-Kiang, tout-à-fait à l'extrémité de la Chine. La route, comme on voit, était longue et difficile ; cependant, il n'y avait pas à balancer, la piété filiale devait aplanir tous les obstacles. Un cercueil tout préparé se trouva, par hasard, au corps de garde. Le fils du Mandarin l'acheta très-chèrement aux soldats ; il y déposa les restes de son père ; on adapta au cercueil les brancards du palanquin, et les porteurs, moyennant un supplément de salaire, consentirent à porter jusqu'aux frontières de Chine, un mort au lieu d'un vivant. La caravane avait quitté Bagoung la veille de notre arrivée.

La nouvelle de cette mort étonna et frappa tout le monde. Ly-Kouo-Ngan surtout, qui était dans un état bien peu rassurant, en fut épouvanté ; la peur qu'il en eut, l'empêcha de souper ; mais dans la soirée une pensée vint le distraire