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repris haleine, on se remit en route. La descente étant presque perpendiculaire, il n'était besoin que de se coucher et de s'abandonner à son propre poids, pour être assuré de faire rapidement du chemin. La neige, dans cette circonstance, nous fut plutôt favorable que nuisible ; elle formait, au-dessus des aspérités du sol un épais tapis qui nous permettait de rouler impunément. On n'eut à déplorer que la perte d'un âne qui, voulant trop s'écarter de la route tracée, alla se précipiter dans un abîme.

Aussitôt que nous fûmes arrivés à Tanda, le Mandarin Ly-Kouo-Ngan secoua la neige dont ses habits étaient couverts, se coiffa de son chapeau de cérémonie, et se rendit, accompagné de tous ses soldats, à une petite pagode chinoise que nous avions rencontrée à l'entrée du village. On rapporte que, du temps des guerres de Kien-Long contre les Thibétains, un des Léang-Tai chargé d'approvisionner l'armée chinoise, franchissait pendant l'hiver la montagne de Tanda pour se rendre à Lha-Ri. En passant sur les bords d'un abîme rempli de neige, un bœuf à long poil laissa tomber une caisse d'argent dont il était chargé ; à cette vue, le Léang-Tai sauta de cheval, se précipita sur la caisse, qu'il étreignit dans ses bras, et roula sans lâcher son trésor jusqu'au fond de l'abîme. La tradition ajoute qu'au printemps, la neige étant fondue, on retrouva le Léang-Tai debout sur sa caisse d'argent. L'Empereur Kien-Long, pour honorer le dévouement de ce fournisseur, qui n'avait pas voulu se séparer du dépôt qui lui avait été confié, le nomma Esprit de la montagne de Tanda, et lui fit élever une pagode dans le village. Les Mandarins qui font le voyage de Lha-Ssa ne manquent jamais d'aller