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Cette nouvelle désola tout le monde ; nous-mêmes, quoique ordinairement peu pressés, nous en fûmes assez contrariés. Le temps était beau ; et nous pouvions craindre, si nous n'en profitions pas, d'avoir plus tard de nouvelles neiges, et de voir ainsi notre départ indéfiniment ajourné. Pendant que nous délibérions avec anxiété sur le parti que nous avions a prendre, le Dhéba du lieu vint nous tirer d'embarras : Il nous proposa d'envoyer un troupeau de bœufs fouler pendant deux jours la neige qui encombrait le chemin de la montagne. — Avec cette précaution, nous dit-il, si le temps se maintient toujours dans le même état, je crois que vous pourrez, sans crainte, vous mettre en route. — La proposition du Dhéba fut accueillie par tout le monde avec empressement et reconnaissance.

En attendant que les bœufs à long poil nous eussent tracé un chemin, nous goûtâmes à Lang-Ki-Tsoung quelques jours d'un repos agréable et salutaire. Les Thibétains de cette vallée étaient de mœurs plus douces et plus civilisées que ceux que nous avions rencontrés depuis notre départ de Lha-Ri ; matin et soir, ils fournirent abondamment aux frais de notre cuisine ; ils nous apportaient des faisans, de la viande de cerf, du beurre frais, et une espèce de petit tubercule sucré qu'ils allaient recueillir sur les montagnes. La prière, la promenade et quelques parties d'échecs contribuèrent à nous faire trouver délicieuses ces journées d'attente. Le jeu d'échecs dont nous nous servions, nous avait été donné par le Régent de Lha-Ssa ; les pièces étaient en ivoire, et représentaient divers animaux sculptés avec assez de délicatesse. Les Chinois, comme on sait, sont passionnés pour les échecs ; mais leur jeu diffère