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Nous quittâmes la ville de Lha-Ri avec un temps variable ; notre première journée de marche ne fut que de soixante lis, et n'offrit de remarquable qu'un grand lac auquel on donne huit lis de largeur, et dix de longueur : il était glacé, et nous pûmes le traverser avec beaucoup de facilité, grâce à une légère couche de neige dont il était recouvert. Nous logeâmes dans un pauvre hameau nommé Tsa-Tckou-Ka, non loin duquel on trouve des eaux thermales ; les Thibétains vont s'y baigner, et ne manquent pas de leur attribuer des propriétés merveilleuses.

Le lendemain nous eûmes une grande journée de fatigues et de tribulations : nous traversâmes la montagne de Chor-Kou-La qui, par sa hauteur et ses escarpements, peut avantageusement rivaliser avec celle de Lha-Ri. Nous en commençâmes l'ascension, le cœur plein d'anxiété ; car le ciel gris et lourd qui pesait sur nous semblait nous présager du vent ou de la neige ; la miséricorde de Dieu nous préserva de l'un et de l'autre. Vers le milieu du jour, il s'éleva un petit vent du nord, dont la piquante froidure nous eut bientôt fendillé la peau du visage ; mais il ne fut pas assez fort pour soulever les épaisses couches de neige qui enveloppaient la montagne.

Quand nous fûmes parvenus au sommet, nous nous reposâmes un instant à l'abri d'un grand obo en pierres, et nous déjeunâmes en fumant une pipe de tabac ; pendant ce frugal repas, le Mandarin Ly Kouo-Ngan nous dit que du temps des guerres de Kien-Long contre le Thibet, les troupes chinoises, aigries par les fatigues et les privations d'un long voyage, s'étaient mutinées en franchissant le Chor-Kou-La. — C'est sur ce plateau, nous dit-il, que les