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que, de l'avis des gens du pays, on n'eût pu se mettre en route impunément avec un temps si affreux. A en juger, en effet, d'après ce qui se passait dans la vallée, il était aisé de comprendre qu'un ouragan épouvantable devait désoler les montagnes.

Le lendemain de notre arrivée à Ghiamda, nous reçûmes la visite des deux officiers chinois résidants dans cette ville. L'un portait le titre de Pa-Tsoung, et l'autre celui de Wei-Wei. Le Pa-Tsoung était un bel homme, vigoureusement membré, ayant la parole vibrante et les mouvements brusques. Une large balafre, qui sillonnait sa figure, et de grandes moustaches noires, ne contribuaient pas peu à lui donner une magnifique tournure de soldat. Pendant quatre ans, il avait fait la guerre dans le Kachkhar, en qualité de simple soldat, et en était revenu avec le titre de Pa-Tsoung et la décoration de la Plume de Paon. Le Wei-Wei, jeune homme de vingt-deux ans, était aussi d'une taille avantageuse ; mais son extérieur langoureux et efféminé, contrastait singulièrement avec la mâle allure de son collègue. Sa figure était blanche, molle, et d'une délicatesse extrême ; ses yeux étaient toujours humides et languissants. Nous lui demandâmes s'il était malade. — Non, nous répondit-il d'une voix presque éteinte, ma santé est excellente ... Et, en disant ces mots, ses joues se colorèrent d'une légère teinte de rougeur. Nous comprîmes que notre question avait été indiscrète, et nous entamâmes un autre sujet de conversation. Ce pauvre jeune homme était un forcené fumeur d'opium. Quand ils furent partis, Ly-Kouo-Ngan nous dit : Le Pa-Tsoung est un homme qui est né sous une constellation très-favorable ;