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Le Pacificateur des royaumes voulut descendre la montagne à pied, pour se réchauffer un peu ; mais, après quelques pas mal assurés, il chancela un instant sur ses pauvres jambes, fit la culbutte, et alla tracer dans la neige un large et profond sillon. Il se releva plein de colère, courut au soldat qui était le plus rapproché, et l'accabla de malédictions et de coups de fouet, parce qu'il n'était pas descendu de cheval pour le soutenir. Tons les soldats chinois sautèrent aussitôt en bas de leur monture, et vinrent se prosterner devant leur colonel et lui faire des excuses. Tous, en effet, avaient manqué à leur devoir ; car, d'après l'urbanité chinoise, lorsqu'un chef met pied à terre, tous les subalternes doivent à l'instant descendre de cheval.

Quand nous fûmes au bas de la montagne de Loumma-Ri, nous continuâmes notre route le long d'une petite rivière qui serpentait au milieu d'une forêt de sapins tellement touffus, que la clarté du jour y pénétrait à peine. La neige s'arrêtait, par couches épaisses, sur les larges branches des arbres, d'où le vent la secouait quelquefois par gros flocons sur la caravane. Ces petites avalanches, tombant à l'improviste sur les cavaliers, les faisaient tressaillir et leur arrachaient des cris de surprise ; mais les animaux, qui, sans doute, avaient traversé d'autres fois cette forêt avec un temps semblable, demeuraient impassibles. Ils allaient toujours leur pas ordinaire, sans s'effaroucher, se contentant de secouer nonchalamment leurs oreilles lorsque la neige les incommodait.

A peine sortis de la forêt, nous fûmes tous obligés de mettre pied à terre, pour escalader pendant une heure d'horribles entassements de rochers. Quand nous fumes