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Au moment de nous séparer, le Régent se leva et nous adressa ces paroles : — Vous partez ;... mais qui peut connaître les choses à venir ?... Vous êtes des hommes d’un courage étonnant, puisque vous avez pu venir jusqu’ici ... Je sais que vous avez dans le cœur une grande et sainte résolution. Je pense que vous ne l’oublierez jamais ; pour moi, je m’en souviendrai toujours ... Vous me comprenez assez ; les circonstances ne me permettent pas d’en dire davantage. — Nous comprenons, répondîmes-nous au Régent, toute la portée de les paroles ... Nous prierons beaucoup notre Dieu de réaliser un jour le vœu qu’elles expriment. Nous nous séparâmes ensuite, le cœur gros d’affliction, de cet homme qui avait été pour nous si plein de bonté, et sur lequel nous avions fondé l’espérance de faire connaître, avec l’aide de Dieu, les vérités du christianisme à ces pauvres peuplades du Thibet.

Quand nous rentrâmes à notre habitation, nous trouvâmes le gouverneur kachemirien qui nous attendait : il nous avait apporté quelques provisions de voyage, d’excellents fruits secs de Ladak, et des gâteaux faits avec de la farine de froment, du beurre et des œufs. Il voulut passer toute la soirée avec nous, et nous aider à confectionner nos malles. Comme il avait le projet de faire prochainement le voyage de Calcutta, nous le chargeâmes de donner de nos nouvelles au premier Français qu’il rencontrerait dans les possessions anglaises de l’Inde. Nous lui remîmes même une lettre, que nous le priâmes de faire parvenir au représentant du gouvernement français à Calcutta. Dans cette lettre, nous exposions sommairement les circonstances de notre séjour dans la capitale du Thibet, et les causes de