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d’argent. Cette attention du premier Kalon nous toucha profondément ; mais nous crûmes ne pas devoir accepter cette somme. Sur le soir, en nous rendant à son palais pour lui faire nos adieux, nous lui rapportâmes les deux lingots. Nous les déposâmes devant lui sur une petite table, en lui protestant que cette démarche n’était nullement un signe de mécontentement de notre part ; qu’au contraire nous nous souviendrions toujours, avec reconnaissance, des bons traitements que nous avions reçus du gouvernement thibétain, pendant le court séjour que nous avions fait à Lha-Ssa ; que nous étions persuadés que, s’il eût dépendu du Régent, nous eussions toujours joui dans le Thibet, du séjour le plus tranquille et le plus honorable ; mais que, pour cet argent, nous ne pouvions le recevoir sans compromettre notre conscience de Missionnaires et l’honneur de notre nation. Le Régent ne se montra nullement choqué de notre procédé. Il nous dit qu’il comprenait notre démarche, et savait apprécier la répugnance que nous lui exprimions ; qu’il n’insisterait donc pas pour nous faire accepter cet argent, mais que pourtant il serait bien aise de nous offrir quelque chose au moment de se séparer de nous ... Alors, nous indiquant un dictionnaire en quatre langues, qu’il nous avait souvent vus feuilleter avec intérêt, il nous demanda si cet ouvrage pourrait nous être agréable. Nous crûmes pouvoir recevoir ce présent, sans compromettre en aucune manière la dignité de notre caractère. Nous exprimâmes ensuite au Régent combien nous serions heureux s’il daignait accepter, comme un souvenir de la France, le microscope qui avait tant excité sa curiosité : notre offre fut accueillie avec bienveillance.